De Grenoble

à

Roma

 

 

Vendredi 27 juin, le tract, le stress, la pétoche avant de partir. Les premiers tours de roue. Les sacoches bien accrochées, un peu plus lourde (12 kilos !) Les fidèles compagnes. Déjà chaud, en montant vers Monestier, un passage à l’ombre, de l'air au col du Fau, des encouragements, des filles partent en vacances dans une voiture et je bascule dans les méandres de cette belle route panorama sur les Ecrins, l’Obiou, les Dolomites de l'Est du Vercors, Saint-Michel les Portes, le week-end avant, j'en avais déjà plein les pattes, le fameux café de Grenoble Nice. Un peu moins froid aujourd'hui ! Petite halte au col de la Croix-Haute. Du vent, ça se couvre. Que ça fait du bien de refroidir le moteur. Je bascule à nouveau, poussé par un bon vent dans le dos. Les lignes droites du Buech. Les hautes herbes ondulées par le vent. Aspres sur Buech et en un rien de temps l'hôtel du Grand Buech avant Aspremont.

Accueil sympa, familial. Chambre donnant sur un jardin et le Buech à côté. De l'autre côté, un autre fleuve de voitures qui font entendre leur bruit sourd. Un peu de vent, moins chaud que prévu, me dit la patronne en me faisant visiter la chambre. Emporté par le Buech. Je pique une tête enfin allongé dans l'eau pas si froide que ça. Un tour au O’Becassier, un bar du centre du village mi extérieur sous les canices. Il me manque un compagnon pour ne pas me poser la question, pourquoi je suis parti dans cette aventure ? Fais-je parti comme le chien qui vient me voir des bécassiers ?

Samedi 28 juin, grand beau, les oiseaux qui piaillent dans le jardin. Le patron aussi qu’on n’arrête pas avec ces sentences. Monsieur., je vous affirme ceci, vous vous trompez. Ou « comment ? » De sa grosse voix péremptoire. Comme hier soir, seul à me faire servir par lui comme un prince, seul dans la salle face à eux, elle faisant des jeux et lui à côté me déballant toutes ces certitudes de vieil homme sage faisant sa leçon. Au revoir donc à ce vieux couple qui continue son train train comme s'ils ne s'étaient pas aperçus qu'il n'y avait plus personne qui s'arrêtait dans leur auberge. Arrêt à la fontaine du village et c’est partie. Le vent se lève et je gonfle les voiles. Les lignes droites de Serres jusqu'à Laragne lancent bien l'allure. Sisteron, citadelle, il y a un an, on a retrouvé le sourire en même temps que le soleil. Château Arnoux, toujours bonne allure sous les platanes qui me font cortège. Arrêt au-dessus du barrage sur la Durance qui s'en va en gros flots plus loin, les Mées au fond, les pèlerins repliés dans un coin me regardent passer. Ca file toujours vers Digne qui m'aspire. Mallemoisson. Petite odeur de citron ? Une odeur fraîche et pénétrante en passant. Grande route un peu pénible avant Digne-les-Bains. Le marché, l'animation, cinq melons pour quatre euros, quelques abricots et une pêche pour moi. Hôtel, c’est route de Marseille, me répond le vélociste. Il faut revenir sur mes pas. 3 km environ, pas bien méchant. Pas la même ambiance, le Campanile par rapport au familial hôtel du Buech. Deux lits jumeaux, il manque toujours mon compagnon. Il faudrait peut-être l'inventer. J'attache mon vélo autour du tronc d’un pin. On dirait qu'ils s'embrassent. Tour au centre commercial. Un Libé, un demi dans un lounge en voyant passer les gens avec leur caddie. C'est samedi. Dépêchons-nous. La messe du samedi, il ne faut pas le rater !

Dimanche 29 juin, sur la route du temps, le train des pignes, le train qui prend le temps. Champ de sauges ? En fleur. C'est ça qui sent si bon ? Les genêts d'or. Le défilé de Chabrières. L’Asse qui s'y faufile. Grandioses rochers. Barème, un peu lassant ces lignes droites en faux plat montant et du vent avant d'y arriver. L'arche du col des Lêques

avant de redescendre sur Castellane. La statue sur le rocher, pas le temps d'admirer. Pas le temps de répit. Ça remonte sur le col de Luens et puis encore un avant de prendre la route de Gréolières. Quel paradis champêtre, prés verdoyants, ses étangs. Paradis des pique-niqueurs dans les sous-bois. La route en corniche plonge sur Gréolières,

tout aussi accroché et splendide. Il faut encore chercher des forces du diable vauvert pour découvrir Coursegoules tout aussi joli et arrivé au col de Vence enfin. Un petit panneau de rien du tout. Tout ça pour ça. Plongée sur les pentes désertiques vers Vence, Cagnes-sur-Mer. Embrouillamini de route, d'autoroutes. Nice, les plages, les baigneurs à touche touche, le Negresco, pas de photos devant, trop fatigué. La basse corniche avant de prendre la montée du Mont Boron pour un final, chemin de croix, accompagné par les cigales jusqu'à l'auberge de jeunesse qui ouvre enfin ses volets. Nuit d'une traite allongée comme une souche morte malgré le bruit, malgré la chaleur.

Lundi 30 juin, reparti, pas trop fatigué malgré cette journée dantesque d'hier. La mer et l'horizon, les collines se mêlant dans un bleu pâle. Redescente dans le port. Il faut tout remonter. Nice dans l’enfer de la circulation, du bruit. Villefranche-sur-Mer, une mouette qui caquette sur un mur. Un peu de répit avant un autre passage difficile, Monaco, ses yachts, son luxe dégoulinant, ses hautes tours qui se moquent de la mer toute proche. Menton, enfin et la frontière italienne où je bascule vers l'inconnu. Des tunnels aux mille dangers. De petits villages sympas. Des rivières échappées de la montagne, un peu de fraîcheur en passant. Des scooters, des petites camionnettes à trois roues, ça y est, je suis bien en Italie. San Remo mais c'est pas l'arrivée sur via Roma, Imperia, plein d'embouteillage. De petits ports, des plages, des rochers où les gens se baignent dans une mer turquoise transparente. Capo di mimosa. Ça doit être beau tout fleuri. La chaleur dans ces capos puis l'air plus frais marin avant de recommencer. C'est comme une ritournelle sans fin. Aurélia, les pieds me brûlent, la faim aussi. Je m'arrête en bord de plage. La Salsa spaghetteria, c'est bruyant comme un poulailler. Un homme jeune, tatoué de la tête aux pieds, boucles d'oreilles, cheveu rasta en chignon. Est-ce un ou une ? Les gnocchis à la crème et au fromage. Encore une montée dominant la mer et puis la descente sur Alassio, la mer, la plage et ses baigneurs infatigables sous le soleil, planté de parasols. Des fleurs mauves éclatant en passant. Albenga, la voisine.

Un cycliste de la ville m'accompagne après avoir mal compris mon accent « hôtel Pescetto » grand luxe, grazie mille. La soeur, le frère que j'ai eu au téléphone, la mère Ca y est, c'est la réalité et la chambre bienfaitrice après cette journée éprouvante sous la chaleur.

Mardi 1er juillet, ciao, ciao à mon hôte si sympathique. Chaud, déjà, dès le matin. Pas de brise de mer. La circulation. Embouteillages dans les traversées. Enfin, un peu d'espace après Finale Ligure, petite plage dans des criques entrecoupées de falaises qui plongent dans la mer. Noli, quels lauriers-roses et les palmiers le long du front de mer. Dans un parc ombragé, à l’abri de la route et de ses tumultes, face à la mer, une île pyramidale où tournoient les mouettes. Savona, ses embouteillages dans ses rues étroites, attention à tout, montée avant Franzano puis plongée sur Genova, ça commence comme Savona mais ça s’amplifie, le port, la gare puis de nouveau de gros bateaux. Genova, l'arrivée de la route de la soie, mais où sont donc passés ces beaux voiliers ? La traversée est interminable. Des tunnels dans la ville semblent mener tout droit vers l'enfer. Chaque fois, le vrombrissement des moteurs derrière moi qui me poursuivent comme des monstres, peut-être la fin et puis non, je survis comme un miracle à chaque fois renouvelé. La bonne source avant Nervi. A l’ombre, une fontaine d'eau fraîche qu’on m’indique cachée dans les arbustes. Les baigneurs en bas semblent l'ignorer plongeant dans la fraîcheur de la mer. Un homme allongé sur un bar en train de fumer, aussi. Marchands de fruits. On ne vent que des pastèques entières ! Ça serpente le long de la mer avant d'attaquer la rude côte de Rocco en pleine chaleur 37° ! C'est le Giro, c'est le final accompagné par les cigales et les oliviers. Là-haut, on bascule vers Santa Marguerite. Encore une fontaine, tunnels et hop c’est la descente, sublime panorama sur Santa Marguerite,

les toits rouges, les palmiers et les jardins ornés de mauves qui plongent dans le bleu de la mer. Je demande mon hôtel, un monsieur de Grenoble, quelle coïncidence, miracle du destin !. Il faut remonter Ca y est. La Vella. La grille d'un parc, le chemin pavé qu'il faut gravir. Il Refugio, hauts plafonds, décor un peu kitsch religieux avec sa grande entrée, son escalier aus montants tout recouvert de velours rouge, ses tapi. La châtelaine un peu hautaine qui montre le blanc de ses yeux quand je la questionne comme si je l'énervais. Au demi étage, un solarium, splendide terrasse sur la ville et ses jardins. Pour moi, j'ai eu assez de soleil aujourd'hui !

Mercredi 2 juillet, le calme, les oiseaux gazouillent, le train quelquefois trouble cette harmonie dans les entrailles de la Terre. Le patron me laisse prendre le petit déjeuner avant huit heures. Plus sympathique que la madone de la veille avec sa tête de Gorgone. Ciao Santa Marguerite. Une église byzantine et les cyprès comme des cierges dans la montagne méditerranéenne. De cap en vallée, Siestra Levante et puis le Christ dans la montée, chevelu, barbu, les pieds nus au milieu des oliviers. Longue montée pour décrocher le panorama magnifique : une anse bleue où se jette la montagne dans cette cote interminable qui mène au paso del Bracco et pourtant fougères, châtaigniers, herbes vertes pourraient faire penser qu'on est dans le Massif central ou dans les Alpes du Sud. Même un petit air frais sous les stores du bar Panini où je m'arrête délicieusement. Grenadina fresca. Un miracle. Sur la route, en grand bonhomme cyclo, genre Don Quichotte avec sa drôle de monture me fait signe comme s'il m'attardait au bord de la route. Il va aussi à Roma ! Ça m'encourage. La route ensemble. Plus tout seul. Dîner à La Spezia. On se raconte toute notre petite aventure. Il est hollandais et va rejoindre sa femme à Lucca. Après, il se dirigera vers Rome par de petites étapes. Sortie de La Spezia sans problème avec son GPS. Même pas marrant ! Petite colline jusqu'à Ciavri puis en rejoint le bord de mer avec ses marinas, lignes droites toute plates. Ça roule bien jusqu'à Marina di Pietrasanta. Le sprint avec un tandem qu'on a rattrapé. L'hôtel, c’est Happy. Very happy après cette dure et chaude journée (126 km) avec cette merveilleuse rencontre qui me redonne plus que jamais l’envie de continuer ma route. La mer, la première fois, la planche plongée dans le ciel. Soirée avec Jan. Pizzeria spaghetteria. Le patron rondouillard frisé se met à table pour prendre commande.

Jeudi 3 juillet, éruption du Vésuve en pleine nuit, des érections qui n’en finissent plus. Le point bleu, je le perds, je le retrouve avec plaisir, montée puis belle ligne droite avant Lucca, couvert mais chauds. Le mur d'enceinte Vauban ? Avant d'entrer sur la grande piazza et son église, magnifique basilique à colonnes. Au bout d'une ruelle pavée, une tour rouge avec des arbres dessus. Un cappuccino avec Jan sur la piazza. Ciao ciao à Roma ! Perdu dans Lucca. Je n'ai plus mon GPS, je n'ai plus mon point bleu. Dur de se retrouver tout seul. Des oliviers dans la verdure, typique de l'Italie. Montée casse-pattes avant Altopascio, Fucacchio que je continue sous les platanes, ouf, ça fait du bien. Route de Castelfiorentino à droite. Un bar au frais. Le paradis. Des monsieurs lisant leurs journaux. Castelfiorentino. Des pins parasols qui me font cortège. Couvert. lourd. Certaldo, le château rouge sur la colline. L'Elsa aux yeux verts en passant dessus. San Gimignano, direction. Je m’attend à voir les tours fameuses comme un chevalier au bois sa belle. Les cyprès alignés qui mènent aux propriétés en haut des collines, les oliviers, les vignes, c'est la Toscane. Au détour d'un virage dans la longue montée, ça y est, elles me font signe. Il faut les mériter. Encore un virage et je longe l’enceinte du village. Je m'approche de ces totems irréels dans le lointain. Plus qu'un lacet, à bout de forces, à bout de soif, j'entre dans le village. A la piazza de la Cisterna, je me prosterne sous la fontaine. Je prie le dieu Aqua il me baptise de son eau fraîche. Pas trouvé de carnet avec les chats dessus, perdue ma carte d'identité, ne nous énervons pas, gardons notre calme. Descente de San Gimignano dans le val d’Elsa verdoyant puis bien sûr remontée sur un plateau. Champ d'avoine dorée, Colle di Val d’Elsa, magnifico, tout en étage, le haut, le bas, les maisons et les arbres enroulés à la colline. Les ruelles avec leurs maisons en enfilade. Gimmy Gio, ristorante pizzeria en bas de la lateria et en face de la macelleria. Prima piati, seconde piati et tutti quanti. L’albergo la Vecchia Cartiera, le vieux papier.

Vendredi 4 juillet, des rêves, le GTA ? L'érruption du matin, six heures dur dur. Plus de carte bleue ! Carabinieri, hôtels, des passants, le coiffeur, tout Val d’Elsa est au courant. Retrouvée ! C'était le restaurateur qui me l'avait gardé et me la tend, mon sésame que j’avais perdu. Grazie Mille. Tard quand je pars, déjà chaud. Petite montée vers le village fortifié de Monteriggioni puis Sienna, les rues pavées et la formidable entrée en vélo sur la Piazza del Campo.

 

Souvenirs, souvenirs. Dommage que les policiers casques coloniaux blancs me disent de descendre de mon cheval. Cavalier dans l'arène, je me croyais. Par la puerta Romana, j'en sors vers Buonconvente. Arrêt bar. Chaud. Ça se couvre. Je n'y crois pas mais le dieu Aqua m'a écouté. Il déverse sur moi tout un déluge qui me rafraîchit avant San Quirico d’Orcia et sa forteresse. Le paysage toscan de peintures à la Van Gogh, des ondulations de collines douces et dorées avec des cyprès menant aux superbes fermes-châteaux. Le soleil réapparaît toujours dur mais plus supportable. Longues lignes droites franchissant quelques fiumes et puis un tunnel, plus roulant ensuite. Arrêt bar avant Acquapendante, c'est Acqua mais en pente. Route d'Orvieto, enfin le dernier tronçon, montée en forêt avant un plateau puis plongée après le village de Castel Viscardo. Ça y est. La forteresse d'Orvieto au loin toujours irréelle et puis montant au pied de ces grands rochers où trône Orvieto, ses tours, ses églises. Une montée épique, peut-être du 14 % voire plus. Un cavalier à la peine mais qui ne descend pas de son cheval. La porte d'entrée enfin comme la porte du paradis ouverte sur les rues pavées pittoresques du centre. Pas trop le temps de visiter. Il faut redescendre. L'hôtel est en bas ! Les cyprès en haie d'honneur pour arriver à mon trois-étoiles, l’Oasi dei Discepoli. La vigne, une ferme avec sa tour carrée en haut d'une colline. Les chiens qui aboient, les grillons qui ronronnent et le ciel qui s'endort dans une lumière dorée.

Samedi 5 juillet, la cathédrale d'Orvieto recommandée par Jan pour commencer la journée. Nef immense avec des colonnes à frise, pierres blanches et grises donnent un effet de relief, des dames fleurissant l’autel pendant que d'autres entonnent leurs prières.

Quelle imposante beauté, grande dame en corps sculptée, ses fresques et ses flèches s'élevant vers le ciel. Montée interminable. Buon respire sous les pins, on monte au ciel ? Montée jusqu'à Montefiascone, verdoyant, luzerne et blé. Redescente enfin quasiment jusqu'à Viterbo. Arrêt au café Grandori, sur le place où trône une belle fontaine, en arrivant de la porte de la ville. Beaucoup de costard cravate, lunettes noires, la classe Aldo Macione ? Vatralia, montée dans un verger de noisetier ? Capranica, une fontaine, je me jette dedans, je quitte ensuite la grande route pour Bassana Romana, genre chemin creux avec monté casse-pattes jusqu'à Orvioli Romana. Arrêt bar des sports, la jeune fille au bar s'amuse en essayant de comprendre ce que je veux, sirop grenadine ? Finalement c’est jus de fruits avec glace, un délice. Marziana, Brasciano, ça descend à fond la caisse. Pas de lago di Brasciano dans la campagne verdoyante avait quelques vaches. Osteria Nueva, circulation plus dense,, vent dans le dos. Via Cassia, je m'attends à voir la pancarte Roma bientôt. Centre de Rome indiqué de deux côtés. Je prends une grande voie, c'est la voie Triomfale. Dernier arrêt fontaine ou je fais une prière à la déesse Aqua. Larges avenues où les voitures semblent m’amener irrésistiblement vers mon but. Les pins parasols. Je demande le Foro Italico. Il faut revenir vers le Stadio Olympico. Avant une grande descente, vue sur la ville au-dessus d'un jardin d'olivier. Une église, des monuments, pas de Saint-Pierre en vue. Stadio olympico et son architecture futuriste, insecte à grandes pattes blanches, j'en fais le tour. Après moult demandes, un bâtiment blanc sobre, c'est l’Albergo dei Jovento, ouf, c'est là ! C'est fini, je suis à bout comme au bout du chemin. Le soir, le pont du duc d’Aoste sur le Tibre ou je pourrais plonger.

Dimanche 6 juillet, chaleur, bruit dans la nuit, la porte, le lit qui grince, les discussions de bon matin, on se lève. Ce n'est pas le château de Sainte-Marguerite ! Dehors, ciel bleu si pur. Les rues pavées le long du Tibre, je demande vaticano à un monsieur agé en VTT (40 km par jour) Noms prestigieux : Villa Borghese, Villa Julia, San Pietro, je tombe sur Castello San Angelo, massif avec sa tour ronde, au teint ocre et tout de suite après, face à moi, au fond d’une large avenue pavée, l'imposante basilique San-Pietro, son dôme, ses colonnades blanches au fond de la place San-Pietro, délimitée par les colonnades du Bernin,

 orné par des fontaines entourant une obélisque. Une cloche grave sonne 11 heures... Et il est apparu sur quatre écrans géants à 12 heures précises, le soleil au zénith. Sur le balcon de CastelGondolfo, le pape Benoit XVI dans sa tenue papale blanche apparut. Les petites cloches joyeuses s'agitent en haut de San-Pietro,. Il est midi sur la piazza San-Pietro,. Bénédicta. Le pape joint ses mains Gloria in Patri, Filii et Spiritu Sanctu, trois fois. Le pape bénit avec ses mains. J'espère que mon vélo appréciera ! La foule en liesse applaudit. En Allemand, avec son micro au dessus de la bouche, on dirait Hitler et sa célèbre moustache prononçant son discours !

Agréable ombrage sous les platanes pour entrer à l’Albergo. L'après-midi, difficile de se retrouver dans de telle profusion d'architectures, de villas, d'églises, de palais. De pistes cyclables en routes et en ponts, je débouche par miracle sur la Piazza Novana, façades colorées de cette place rectangulaire longée par l'église baroque de Sainte Agnese, plein de monde et les terrasses des cafés. Des personnages immobiles, la Statut de la Liberté, un cow-boy assoupi, un sphinx. Des gymnastes font le spectacle au milieu collant mi-page mi plongeur, mi chevalier, musique enveloppant la place, la fontaine et ses héros nus crachant l'eau. Et la belle Piazza, Campo dei Fiori, plus simple mais comme plus naturelle même s'il n'y a plus de fleurs avec sa statut sombre de Bruno, droit dans son habit de moine, attendant son exécution. J’erre au gré des quartiers me fiant à l’instinct et à la foule qui court. L’île Tiberine où le Tibre semble redevenu sauvage, torrent avec ses pêcheurs. Des pins, des colonnes et des chats. Dans une fouille archéologique, tout cela est mélangé avec harmonie comme si l'on revenait à la Rome antique. La Porto d’Ottavia, le Théatro di Marcello où un piano joue dans les ruines. Piazza d’ara coeli, une église en haut d'une splendide descente en escalier, des cavaliers tenant en laisse leurs chevaux nous dominent tout nus, même pas une feuille de vigne ! Au bout d'une avenue bordée de pins, enfin, l'emblème de Rome, le Coliséo,

 l

le superbe amphithéâtre où les gladiateurs s'affrontaient, les chrétiens livrés aux fauves, me dit Simone. Aujourd'hui, ce sont les touristes qui l'assaillent. Panem et circenses, toujours d'actualité. Une colline, le mont Palatino ? Où il y a une fête, des Mexicains ? Au hasard de ses rues bondées de monde, la gigantesque fontaine de Trevi. Magnifico. À la nuit tombée, la foule devant ses eaux jaillissantes et ses géants et leurs chevaux ailés prêts à y plonger. Des fleurs dans le bassin pour l'amour, la passion ? À la trattoria Tritone, Cantare, Sole mio s'élève comme un chant d'amour dans la nuit romaine.

Lundi 7 juillet, pas facile de s'habituer à ce rythme spartiate dans cette auberge de jeunesse un peu caserne. Ce matin, déjà levé de bonne heure, deux siciliens dans la chambrée, couché après moi, levés avant, comment font-ils ? Visite de San-Pietro,. Quel gigantisme, quelle pompe en entrant des statues gigantesques orne la nef immense, les dômes au-dessus des chapelles latérales, les baldaquins sombres aux colonnes torsadées, le tombeau de Saint-Pierre, la voûte centrale en demi-cercle. Tout y est grandiose. Escalade du dôme par les escaliers à pied, ça donne le tournis tellement le manège est sans fin. En haut, on domine le choeur où les fidèles semblent des fourmis. Tout autour, des fresques, des mosaïques, quelle finesse, représentant des angelots.

TV ES PETRUS ET SUPER HANC PETRAM AEDIFICABO ECCLESIAM MEAM ET TIBIDABO CLAVES REGNI CAELORUM

Ecrit tout autour

Des cercles concentriques en même temps que des arcs menant à leur centre comme l'oeil de Pierre, l'oeil de Dieu donne le vertige et nous mène au ciel. Jésus, Marie et les apôtres et puis les saints et puis les anges et puis le souffle de Dieu et puis les étoiles.

Lungodere, un îlot de verdure le long du Tibre, un espace encore sauvage, un drapeau gay à l'entrée, des arbres, un peu de vent, la terrasse donnant sur le Tibre. On n'est plus à Rome, on est sur une péniche importée par les alizés. Dommage qu'il y ait une télé pour casser cette image d'harmonie et couvrir le bruit des cigales et des mouettes. Et il est arrivé, le grand échassier, le visage émacié creusé par l'effort sous les cheveux blancs, Suard, luisant de transpiration. Alors, le train hollandais Jan arrive toujours à l'heure. Eh Jean-Pierre ! me hèle-t-il avec un fort accent traversant la voie inondée de voitures. Il faut faire une fête, c'est ma partie ce soir, me lance-t-il. À la Piazza Novana, trattoria en terrasse, repas somptueux, melon, poisson et tiramisu et vin de Vénétie divin. Le guitariste doué comme un Dieu : Blue note, Hôtel California, Santana, ses notes, ses mains caressent l'air et la guitare. Great Danke Jan !

Mardi 8 juillet, dormi par fractions successives dans la chaleur et le bruit Jan pressé de visiter San-Pietro,. De nouveau, sur la Piazza, la foule, la queue interminable, un fleuve intarissable de touristes du monde entier pour cette Mecque de la chrétienté. Le vélo face à moi que les touristes doivent contourner. J'ai peur pour lui comme un taureau face à des milliers d'aficionados. Une bougie dans une église, Carpilla Torrigiani, une chapelle dédiée à San Filippo Neri que j’éclaire comme lui. Vite, courrir vers Termini, dans les pistes cyclables, les sémaphores, les voitures, les taxis, les sirènes hurlantes. Je perds Jan de vue. Il faut se faufiler dans la folie de Rome et de Termini, dans ces milliers de fourmis en partance. Ça y est, je le revois, avec son immense stature. Il monte avec son vélo dans le train. 5 minutes Ca y est. Merci Jan pour la soirée. À la prochaine fois, à Grenoble, me lance-t-il. Bon voyage, à peine ai-je le temps de lui répondre. Ça s'ébranle. Un signe de la main. À la revoyure, Jan. Je me tire de ce dédale à travers rue paver, mille pièges scooters, taxis, bus mais aussi belles piazzas rencontrées au hasard de la route. L'après-midi, retrouvailles et découvertes, un peu à l'instinct en vélo, tout d'abord Campo dei Fiori, quel charme, le Palazzo Farnèse, sa façade renaissance florentine, ses fontaines avec une baeque, la Piazza Venezia et son palais vénitiens ocre face à l'imposant mais grossier avec sa façade blanche rococo, le Palazzo Carpegna. Une femme grosse endormie assise par terre devant une chaise où sont déposés pleins de quartiers de citron. Quel tableau de la misère ! La fontaine de Trevi, toujours autant de monde, de cris, de brouhaha dans la nuit qui tombe. Des pièces jetées dans l'eau. Peut-être, reviendrai-je ici un jour ? La Piazza di Spania, quel monde aussi dans les escaliers qui mènent à l'église Trinite du Mont, ses palmiers, sa fontaine, ses calèches prêtes à partir. La Piazza del Populo, un peu plus loin, entouré de muret circulaire, son obélisque et ses fontaines. Quelques promeneurs. Un saxo dans la nuit joue My Way... Et la statue sur le coin de la place qui montre la lune qui monte. Moment magique.

Arrêt pizza dans un square sombre Fonte Piazza. C'est nuit noire sur la piste cyclable, je me rentre.

Mercredi 9 juillet, en partant de l'auberge de jeunesse vers Termini, un dernier tour vers la Piazza del Populo, juste un coup d'oeil, ciao ciao, la via Veneto par le parc de la Villa Borghese, toujours indiquée, jamais vue, comme en rêve, un mirage. La folie de Termini, ça grouille dans tous les sens devant le terminal Fiumicino. Une île de calme. International Bookshop, entouré d'un café, de la pub Coca-Cola, on ne peut y échapper, on y marche dessus !, de Nike Termini, de la Bigliatera, comme assaillie de toutes parts. Le recueillement, la réflexion, la sagesse au milieu de cette course folle, cette fuite en avant. J'attends le dernier moment pour enfiler mon vélo dans son sac. Sur le quai, au milieu de la foule, il faut faire vite, help à un gars de passage. Il finit par rentrer comme s'il ne voulait pas partir. Enfin dans le train. C'est gagné ! Une minute et le train s’ébranle. Ouf ! Ça défile vite le paysage : plat, collines, vert, champs de blé, tunnel, fiume, vigne, ça paraît facile là où j'ai pourtant souffert. Assis en face d'une soeur, un peu sévère dans sa robe noire et sa grosse croix, s'assoupissant derrière ses lunettes Cita delle Pieve, les oliviers de Firenze, Rastignano, Bologna, tout est plat. Les soeurs, une autre est montée à Firenze et leurs sandwiches. Pas que des nourritures spirituelles ! Modena, Reggio Émilia, Fidenza, maïs et tournesols, ça défile comme des mailles à l'envers. Le Po ? Piacenza, Milano, du riz toujours du riz, Torino, le tunnel sous les Alpes, même pas aperçu, Chambéry, la Chartreuse, Belledonne qui se cache derrière des nuages, boude-t-elle de m'avoir vu partir ? Grenoble, la gare, il faut remonter le vélo en plein centre de la gare, il faut lui redonner son corps, retraverser la ville avec tous les bagages dessus. Il y a plus de huit jours. Quelle aventure, quels souvenirs depuis, j’en rêvais, je l’ai fait, I did It, Veni Vidi Vinci ou plutôt : Veni, Vidi, Contemplare, Admirare San-Pietro,, Coliseo, Borghese, Farnèse, Navona, Sant Angelo, Tiberina, Santa Margherita, Trevi ...

 

 

Arrivederci Trevi !