PAPIERS D’ARMENIE

փաստաթղթեր Հայաստան

ISTANBUL – EPEBAH

Turquie – Géorgie – Arménie

en vélo saute-frontières


De Turquie en Arménie

En passant par la Géorgie

Quel long chemin

d’Istanbul à Yerevan !

 

 

27 jours de route

22 jours de vélo

2700 km

17 cols

Plein de rencontres, de souvenirs, de chai, de repas partagés, d’accueils inoubliables, d’aventures au cours de cette longue route


En remontant le Bosphore

La bleue Mer noire

 

 

 

Zone de Texte: BOSPHOREZone de Texte: MER NOIREZone de Texte: YOROS KALESI

 

Arrivée au Mavin Guest House en bus sans être obligé de prendre l’autoroute c’est royal !

Le dimanche, Croisière sur le full Bosphore Cruise

remontée du Bosphore en ferry jusqu’à l’embouchure de la Mer noire

Les beaux ponts sur le bosphore : une jambe en Europe, l’autre en Asie, on se laisse aller, à part la montée vers le Yoros Kalesi. Mais en haut, quelle vue sur la mer noire !


Samedi 12 juin, jour J, tôt réveillé, fébrile et tremblant avant le grand saut comme un parachutiste prêt à s'y lancer. Ca y est. Première porte fermée. Le Stambouliote tailleur gros visage bronzé à forte carrure me lance en passant un "bon voyage, bon courage". Le tram. Le monde. La première bonne rencontre. Un monsieur jeune m'aide à rentrer mon vélo avec mon carton. Très sympa, il m'indique où m'arrêter et m'adoube encore d'un "bon voyage". La gare routière. Encore une blonde qui vient m'aider. Train dans une minute. La gare routière en vue. Je regrette de n'avoir pas utilisé la formidable et magique invention de la roue guidant mon vélo en portant mon vélo carton comme un Christ portant sa croix. La croix dans la soute. Le bus pour Saint-Exupéry qui démarre au milieu de ces voyageurs du monde. Enfin, un premier point de non-retour. Et le Jérôme à l'arrivée comme un miracle m'accueillant. La bise. Qu'est-ce que tu fais là ? Me dit-il tout étonné. C'est lui qui aurait pu m'y conduire ; il est chauffeur de bus de la navette. Incroyable ! Bon voyage, on peut se le dire mutuellement. Le bazar avec mon carton, mon vélo dans le sarcophage en espérant qu'il sera en forme à l'arrivée à Istanbul. Les familles qui attendent l'enregistrement puis le vol. Hommes bronzés ou européen, femmes voilées ou non, des robes longues toujours. De beaux foulards cachent leurs cheveux. Un blanc à pois noir très élégant, des simples belges ou des unis noirs ou blancs. J'envie ses familles, ce couple avec trois enfants qui partent quelque part au sud de Keyseri. Déjà en entrant la Turquie avec les journaux, la langue turque des hôtesses. Un jeune couple d'Indiens à côté de moi retourne à Bombay. Que font-ils là-bas ? ont-ils visité la France ?, des parents ? L'avion s'ébranle. Va pour le vol. La dernière porte de non-retour vient de se refermer.

Le Christ est déjà là. L'accueil à l'aéroport par une rangée de supporters. Il y a même un bouquet ! M. JEUVAU sur une pancarte. Incroyable ! Une navette nous attend. La route donc pour Marvi Guest House. L'autoroute comme un retour sur une illustre route. Marvi Guest House. Le bon accueil par le monsieur que je connais bien. Le tour du monde en peu de temps : Québec, Allemagne, France... Sainte-Sophie, Aya Sofia,

la mosquée bleue comme si j'étais parti hier. À la recherche de chaussures avec Christian dans un supermarché market populaire à l'occidentale. Lumière débordante. Il a trouvé chaussure à son pied, c'est le principal. Au Han restaurant, la dame aux crêpes à la turque à l'entrée. Les tapis au mur. "C'est fabuleux", commente Christian émerveillé devant un tel décor. De vieux outils comme une baratte accrochée au mur. Vue panoramique de nuit à l'étage du bar voisin. Sainte-Sophie, le Bosphore au pont illuminé et la mosquée bleue où des oiseaux tournent attirés par la lumière, le dôme et les minarets qui pointent dans la nuit.

Dimanche 13 juin, bien dormi malgré des bruits dans la nuit, des va-et-vient dans l'escalier. Marvi Guest House ne se repose pas beaucoup. "Jamais aussi bien dormi", constate Christian. Neuf heures à sa montre ! Les rencontres du bord de mer. Les pêcheurs d'abord sur les rochers de la côte et puis les cyclos harnachés comme un tour du monde avec remorque et bagages. Ce sont Lionel et Françoise partis d'Annecy il y a deux mois et arrivant ici. Mehmet, c'est le ferry pour le full Bosphore Cruise. Une mémère dans la foule, grand manteau, foulard se fraye cahin-caha un chemin dans la foule des touristes. Les pêcheurs du port au-dessus du restaurant de poissons : Yildinir, Yanka BalikAruna Cafe, BalikNoktasi défilent quand le bateau démarre et puis la Corne d'or, le palais de Topkapi s'élevant dans la verdure de la presqu'île et les nombreux minarets comme des antennes captant un autre monde. Le monsieur cheveux blanc bouille ronde, assis en face de moi, on dirait le tailleur de Carpentras avec son gros ventre.

Le grand pont sur le Bosphore approche. Le Christian apprécie me faisant une moue approbatrice. L'arche suspendue entre Europe et Asie, un pont entre deux mondes. "Le symbole entre les deux continents", rajoute Christian. Les maisons de bois au bord de l'eau. C'est Kanlica, notre escale où l'on débarque au milieu des cafés en terrasse. Le bout du Bosphore, on aperçoit la mer Noire, elle est bleue !

Le Yoros Kalesi, c'est une forteresse romaine dominant le Bosphore et la mer Noire. La grimpette pour y aller sur des pavés, on dirait un peu Paris-Roubaix au milieu des touristes. Là-haut, c'est un peu le barbecue du dimanche avec les grillades et la machine à thé où s'affairent les familles sous les pins. La grande secousse dans la descente et ses pavés bien bossus. L'oeil bleu, symbole de la chance nous suit sur les marchands de souvenirs. Les restaurants à poissons : une grosse limande nous attire dans un aquarium. Chez le marchand de glaces, ça rafraîchit et Christian en profite pour me mettre des glaçons dans le maillot ! Le retour au bercail. Au revoir la mer Noire que l'on aperçoit entre deux langues de terre, les deux arches bras immenses sur le Bosphore. Fini le voyage dans le voyage. Retour à la folie de Sulthanamet. Un marchand de cerises en passant puis je suis le tram jusqu'à Aya Sofia et le havre du Marvi Guest comme un port où accoste le monde entier.

 


Du Bosphore

à Beypazari

Le refuge de Demig

Zone de Texte: KaraçomakZone de Texte: BeypazariZone de Texte: UzuntariaZone de Texte: ISTANBUL

 

ISTANBUL – BEYPAZARI 408 km

ISTANBUL – UZUNTARIA 141 km

On s’avance en ferry mais on est toujours au milieu d’une banlieue tentaculaire

Passage obligé : l’autoroute pour se sortir de cet enchevêtrement où on se perd

Heureusement globalement plat

UZUNTARIA -  KARACOMAK 135 km

Plat au début mais à partir d’Akyasi montée et vallonnement dans une chaleur éprouvante. Pour moi, journée la plus pénible à cause d’une fringale

KARACOMAK – BEYPAZARI 132 km

un col Aynalikaya Geçidi à 1210 m dès le début, ça chauffe bien !

ensuite valloné et à Cayirhan des travaux en plus

Arrivée très fatigué à Beypazari : eau minérale locale bienvenue !

 


Lundi 14 juin, jour J, jour D Grand jour pour le départ. "Prenez garde à vous", ce sont les mots d'amitié que nous lancent nos amis cyclos rencontrés hier Lionel et Françoise après une dernière photo de départ. Un dernier au revoir pendant qu'on se lance sur les rues pavées qui descendent vers la mer. Un saut en ferry pour nous sortir de la ville mais cette mégalopole est tellement grande,

on se retrouve toujours à vélo dans les rues pleines de trafic. Dans une montée, le cheval refuse l'obstacle. Un saut de chaîne imprévu sur le petit plateau et nous voilà arrêtés. On repart vers Fehnerbace et d'autres quartiers dans cette cité tentaculaire. On tente de trouver une route qui longe la mer mais où est-elle ? C'est finalement par l'autoroute que l'on essaie de s'extraire de cette hydre à multiples têtes.

C'est le baptême du feu pour Christian avec des camions qui nous emportent dans leur sillage. A Gebze, on sort mais on ne s'y retrouve pas. Retour sur l'autoroute à Hereke. À l'ombre de la taverne avec le turc que l'on ne comprend pas à part Viva Coca c'est bon de se reposer. On retrouve la mer enfin. Les containers, des montagnes de fer que des grues accumulent à Dostlar. Le Christ est motivé. On roule bien jusqu'à Kiracithanesi où on prend un chaï. On joue aux dames, on lit des journaux. On est à Uzuntaria où on trouve un hôtel à côté de la station. Grand luxe, sauna et massage par le fort turc et une douche. On est comme des sultans dans un caravansérail. Cassolette de boeuf, légumes, tomates poivrons que l'on nous présente avec du pain dans un grand Tupperware nous requinque mais attention aux piments ! Heureusement, le chaï adoucit et l’eau de Cologne rafraîchit. Le muezzin termine en prière le repas avec le soleil couchant comme une plainte de ce jour qui finit. Une étoile le remplace et la lune comme un cil.

 

Mardi 15 juin, le ronflement des camions derrière la vitre au soleil donne déjà. À mâcher, les chevaux prêts des camions en attente comme ce jaune écrit Masallah dessus. Petit-déjeuner : olives, fêta, confiture avec le chaï. On longe le bout de la mer de Marmara. Des cerisiers le long de la route. « On aurait été bien sous les tilleuls », me confie Christian. Le héron cendré en passant. De grandes lignes droites où on se croirait dans la plaine du Pô avec maïs, haricots et courges. C'est très vert avec de temps en temps des vaches. À Hendek, on se prend la douche avec un tuyau et la pause chiotte à la turque. En haut d'un pylône, des cigognes nous regardent passer. On tourne à gauche et enfin une petite route depuis Istanbul distant de plus de 200 km ! A Akyasi, Ça commence à monter sous la chaleur. Le muezzin claque sous le soleil de plomb.

A Resadye Koyu, une fontaine où le Christ torse nu prend sa douche ! C’est vraiment vallonné et la fringale me prend. Une rivière, on remonte. La bergère qui tricote ne veut pas se faire prendre en photo avec ses moutons et ses vaches autour de la fontaine où ils s'abreuvent comme nous exténués. Le chaï offert à la station où pas loin un hôtel bienvenu se trouve au-dessus d'une autre station voisine. Ouf, je suis allé au bout de mes forces. Au pied d'un bric-à-brac, un escalier mène à des chambres. Deux lits, une douche et c'est le paradis à Karaçomak. Tout l'étage quatre chambres est pour nous. Une grande salle carrelée pour la douche et le robinet du lavabo qui coule en dehors de la vasque ! Avec Ahmet, un Turc qui travaille à la construction des pylônes rencontré au restaurant, on se dit au revoir et on s'embrasse avec effusion avant de se coucher harassés de cette journée très éprouvante.

 

Mercredi 16 juin, les petits chiots dans la cour nous regardent partir à la fraîche sans petit déjeuner. C'est une grande montée au-dessus du village qui sera notre entrée, des lacets et puis un col

Aynalikaya Geçidi à 1210 m sous le soleil qui commence à chauffer. Une bonne descente mais dès qu'on aperçoit un village par une route sur la droite, on y court pour se ravitailler mais il n'y a qu'une école où on fait l'attraction de tous les enfants qui se demandent d'où on sort avec nos vélos, sacoches dans ce village isolé. Heureusement, l'épicerie fermée s'ouvre miraculeusement quand on s'assoit sous la tonnelle. Enfin, un bon petit déjeuner, de la su et nous voilà repartis. Sur la route, un homme, bras en croix, nous arrête. C'est pour nous donner des cerises et des mûres sous les arbres qui en sont chargés. « Merci mon turc », remercie le Christ. Un chaï à une station. A Navilhan, un kebab découpé. Après le paysage désertique un peu Colorado de ce matin avec des champs de blé et des montagnes pelées, ce sont des vergers et des montagnes plus boisées bien vertes qui les remplacent. Une crevaison vient ralentir notre course mais heureusement le seul arbre du coin nous fait un abri de fortune.

Un lac, ça ne peut pas éviter, on s'y baigne et le Christ tout habillé y plonge. A Cayirhan, une carrière de fer puis des travaux d'élargissement avec des vallonnements tous en lignes droites interminables sont très pénibles. Enfin, Beypazari après une ultime montée décourageante. Après avoir dégusté la bonne eau minérale de Beypazari, on cherche un hôtel désespérément. Et puis le miracle, Ersun, parlant français après y avoir travaillé plusieurs années nous conduit chez Demig dans une vieille demeure avec une grande porte en bois. Au bout d'un escalier de bois aussi, une grande salle avec tapis où donnent deux grandes chambres dans un décor rustique derrière de jolies portes en bois.

Et le sourire de Demig au milieu de son fichu avec sa jupe bouffante nous ouvre grandes ses portes du bonheur.

 

 

Jeudi 17 juin, rêveillé tôt de notre sarayi sans volet uniquement des rideaux dans ma chambre octogonale comme une tour  Juste des petits oiseaux, un coq, le coucou ? Pas de muezzin pour nous réveiller. De notre suite, on domine les maisons étagées à colombages, le minaret de la mosquée devant une tour blanche au sommet de la colline sous un ciel bleu impeccable. Les enfants : Sirad, Zoulan aux yeux bleus nous accompagnent dans les ruelles jusqu'au fort où on domine tout le village

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Un escalier y mène comme une petite muraille de Chine. En redescendant par des jardins, des maisons pittoresques avec des tonnelles. Il fait chaud déjà et Kabiria, la bijoutière, nous invite dans son magasin climatisé. Un sourire un peu gêné, quelques mots échangés, musique, nostalgie. Au restaurant Dequrmencioglu sous la tonnelle, on apprécie les brochettes avec du riz ainsi que des légumes crus. Promenade dans les ruelles commerçantes : forgeron, chaussures, tissus, vêtements, légumes et fruits secs nous tendent les bras dans leur camaïeu de couleurs. Sous les arcades, un marché aux fruits et légumes et les groupes de gens discutent autour d’un chaï. Sieste dans la chaleur. Les pétards qui réveillent. Demig sur son coussin à l'entrée de sa grande maison semble amusée de tout cela. On ne trouve pas l'imam ! On cherche l'aubergine farcie que Christian aimerait bien goûter. Tant pis. On trouve des jus de carottes frais. Beypazari fournit 60% de la production de carottes en Turquie. Au retour de la partie moderne de la ville où trône une carotte géante, le restaurant Eflaya sur le trottoir fera bien l'affaire. Un petit vent à côté des joueurs de taula accompagne notre repas. Les toilettes, c'est un vrai labyrinthe au bout d'un escalier en rondins de bois pour arriver sur le toit. Les grillons comme la chanson de Reggiani nous bercent sous les acacias. La bataille fut rude. Assailli par des pétards, une partie de la nuit, ça pète, ça siffle, ça éclate. Des ombres qui jettent des serpentins, feux de Bengale et puis plus rien.

 


Cap vers la Capadoce

 


Zone de Texte: GOREME
En Capadoce
Zone de Texte: KirsehirZone de Texte: Elmadag

 

BEYPAZARI – GOREME 420 km

 

BEYPAZARI – ELMADAG 157 km

Pas de grosses montées, un col ensuite puis des travaux sur la 4 voies

Ca roule bien : Fuax plat descendant jusqu’à Ankara. Agglo pénible

Faux plat montant jusqu’à Elmadag où on arrive tard le soir

ELMADAG -  KIRSEHIR 150 km

Longues lignes droites fortement vallonnées comme des casse pattes

Puis plus calme, ça redescend et ça roule bien sur le plat jusqu’à Kirsehir

KIRSEHIR – GOREME 113 km

Montée sur un plateau de champs de blé

Léger vallonement ensuite puis grande descente vers la Capadoce

D’Avanos à Goreme, ça remonte mais c’est le final et puis c’est tellement beau !

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Vendredi 18 juin, l'appel de la route après cette bataille nocturne où le sommeil a fini par l'emporter tard dans la nuit. Un peu crevé, seul, Christian n'a pas été perturbé par tout ce vacarme. Un coq au loin semble chanter la fin de la bataille pendant que les hirondelles balayent le ciel bleu. Bye bye Demig, son sourire et le bras en signe d’au revoir. Un petit déjeuner avec le  traditionnel chaï pendant que les groupes se demandent bien où on va avec nos étranges montures. Le paysage en sortant est plutôt désertique avec de multiples formes à tête ronde. Les cultures s'étalent au-dessous. Des remonte-pentes ! me lance Christian qui a dû certainement attraper un coup de chaud !. Deux voies en travaux pénibles puis on arrive sur une 4 voies et là quel soulagement ! À l'entrée du village de Ugurcayiri, une grand-mère me vend quelques cerises bienvenues. Rapaces et cigognes égaient les lignes droites où nous attendent des marchands de cerises. Une pause dans un village et le monsieur du Market m’offre un beau stylo bleu. À la sortie, la montée dans un col ouvre à un endroit plus vert, l'air frais, quelques nuages. Au sommet, la route semble mener au ciel. Quelle descente ensuite, faciles lignes droites faux plats descendants. Le Christ bien parti semble aspiré par Ankara plus très loin. De grands immeubles tout neufs l'annonce. L'autoroute maintenant à l'entrée est large mais pas la circulation affolante d'Istanbul. A Yenimahale, on cherche désespérément un marchand de vélos pour un pneu dans le super Market Cagdas. Tant pis pour le pneu, on repart dans la circulation plutôt dense en cette fin d'après-midi et là on se fait des noeuds dans les bretelles ! Un peu sorti de l’agglomération, on se fait une pause à la Vokfikebir Trabzon, pour un genre de crêpe et des sandwichs qu’une famille nous offre. Pour Elmadag, c'est encore 23 km et il faut suivre les panneaux Samsun ça me saoule ! Vallonné et plutôt montant, dans un patchwork de verts et de blancs, on arrive péniblement et exténués

au soleil couchant à Elmadag. Pas d'hôtel, nous indique-t-on. Heureusement, deux anges tombés du ciel nous proposent de nous héberger pour la nuit. Osram et Baris seront nos anges gardiens, ils nous accueillent dans leur maison en haut du village. Salle de bain, chambre avec deux lits où on prend une photo souvenir avec nos deux amis.

Promis, on leur enverra les photos. Sur le balcon, les lumières du village, les étoiles et puis tout s'efface dans un sommeil profond.

 

Samedi 19 juin, Bye bye Osram et Baris avec qui on fait le tour du village. Au restaurant, on offre à nos hôtes du jour une soupe de poissons avant de leur faire la bise. Ciao ciao, jamais on ne vous oubliera. Belle descente, il fait presque frais au milieu de ces montagnes pelées et ces roches rouges volcaniques. On double les camions ! Kirikale, ça sonne comme un coq qui chante. De longues lignes droites montantes se succèdent dans la steppe avant la source bienvenue Sahihul Hayrat Isihir Su, la su qui coule pour notre plus grand bonheur. Les tournesols et puis Keskin où c’est le chaï qui coule. On ne souffrira pas de chaï ! Des vallonnements se déroulent dans le patchwork de vert, de blonds et de marrons. Un camp de réfugiés avant Akpinar. Un arrêt à la station où une bonne soupe de poissons nous attend. Les casiers de bouteilles un présentoir de plats, des cartes de la Turquie. On essaie ensuite de faire la sieste sur le vélo mais c'est pas facile car le chameau a de nombreuses bosses avec ses montées éprouvantes puis on voit plus loin la route formant un grand cercle au milieu de ces montagnes brunes. Un lac et le chameau s'abaisse pour laisser place à du plat avant Kirsehir. Un hôtel quatre étoiles trop cher, il vaut mieux se tourner vers Sehir Merkezi, le centre, pour trouver notre Dagistan Otel. Une grande place avec un monument, de beaux étalages de fruits et de légumes avant de trouver notre restaurant Zirve Larmaçun, un papi bronzé attentionné comme un père nous offre la soupe Corbalar et une cassolette viande et légumes Kire mite excellent après cette longue épopée de 150 km.

Dimanche 20 juin, le muezzin puis le coucou viennent nous réveiller. Petit déjeuner copieux sur les chaises au dossier bleu ciel. On remonte sur la grande route et puis on prend notre rime pour une bonne mise en jambes. Une mosquée dans une zone industrielle puis on atteint un plateau où s'étendent des champs de blé.

 

Les moissonneuses s’en retournent comme des chars après une fête. Ca se couvre et c'est tant mieux. Dans un pré plutôt maigre, un berger fait paître quelques vaches. Pas de chien en vue pour le moment. À Macour, petite arrêt chaï dans une grande cafet où on fait encore l'attraction. On va bientôt faire signer des autographes ! Direction Yùcesan, un caravanSarayi un peu trop loin pour s'y reposer. Babapinacilt, quel long nom ! Un léger vent nous pousse vers la Cappadoce : Cap à 2, Cap vers l'Est, Cap vers la Cappadoce, semble-t-il nous chuchoter. Des brebis se réunissent en concile ombragé sous les abricotiers. À côté, des pique-niqueurs sur un touron téléphonique.au bord de la route me proposent à manger "Emek", me lance un homme me montrant des feuilles de vigne farcies, des légumes dans du yaourt. Une bonne source où les gens se ravitaillent ramenant leur trésor dans des bonbonnes en plastique. Pas de chaï, un peu plus loin dans une station isolée mais un cerisier fera notre affaire. Un camaïeu de verts, de blonds, de bruns où se joue l'ombre des nuages. On redescend d’un niveau. Là-bas, au loin, « le début de la Cappadoce », me dit le Christian en apercevant ces reliefs caractéristiques. Le long de la rivière menant à Avanos, déjà des sculptures géantes, des grottes, des bouches ouvertes, des têtes, des animaux préhistoriques figés par le temps nous contemplent. Nul ermite à part Christian parti dans sa grotte ? En fait, je le retrouve en bas au bord de la rivière avec une famille pique-niquant sur une couverture. La grand-mère et tous ses enfants réunis. Le chaï et la pastèque en rigolant et voulant partager ce court moment de bonheur. Dur de la quitter. La pastèque donne la pêche, comme dit Christian mais n’empêche pas la crevaison ! Juste avant Domavos, à droite, c’est Goreme qui est indiqué.

 

Arrivée à Cavuzin, un premier village typique avec ses maisons à étages creusées dans la roche. On s'élève encore et là c'est la vue magique sur les cheminées de fée, les demoiselles coiffées, les innombrables sculptures priapiques qui nous accueillent. Goreme, photo souvenir sur la place avant d'entrer dans un défilé de sculptures qui nous ouvrent la route pentue et pavée jusqu'au Kaya camping à côté de l'église Aymati. La piscine pour nous deux, la vue imprenable sur les innombrables pèlerins de la Cappadoce. El Paradisio. Nos deux tentes sous l'abricotier face au spectacle inouï : l'union de la nature, de l'eau, de la Terre et du vent.

Lundi 21 juin, la pluie dans la nuit, le vent qui agite les voiles.

Un petit tour en montgolfière pour survoler la Cappadoce ? Non, ma tante reste bien accrochée à la terre et la pluie et le vent se calme laissant place au sommeil sur une mer d'huile. Les oiseaux piaillent aiguë, deux pies plus grave veulent prendre leur petit déjeuner sur la table ronde. Les premiers ballons s'élèvent dans le ciel redevenu azur. Le musée de plein air que l'on visite. L'église Sainte Basile. Une nef et une voûte en berceau. Ettmali Kilisi : faut pas être grand, c'est un tunnel à japonais par lequel on entre dans l'église. Scènes du Christ, Marie, crucifixion, chemin de Golgota, Hélène et Constantin sont représentées. La chapelle Sainte-barbe du XIe siècle. Saint-Georges et Théodose y sont représentés ainsi que le Christ iconoclasté. La sombre Yilamli église puis Karanfile Kilisi avec le réfectoire et ses 12 apôtres avec le Christ qui se met à table. L'église Sainte-Catherine renferme neuf tombes. La Carikli Kilisi. On y accède par une échelle. Les peintures y sont remarquablement conservées avec le Christ et ses deux doigts comme pour nous envoyer un signe de bienveillance. Le Christ nu sur la croix. Des sépultures dont on voit encore des membres sous le verre. Les magasins de souvenirs ne manquent pas et le magasin du musée possède les premières cartes postales que l'on va envoyer. La chapelle Tokali possède deux nefs et des arcades. Des fresques aux tons pastel où des scènes de la vie de Jésus et des apôtres sont représentées. Marie et l'enfant : quel regard, l'enfant semblant faire partie de son visage. Baptême, trône et crucifixion. Le restaurant en terrasse sous la tonnelle de sureau nous accueille avec la vue sur les pèlerins, regardant les nuages. Fauteuil en osier, c'est le Cafeturca restaurant.

Dans les sculptures géantes, on mène nos vélos comme dans un ranch au milieu d'un désert. A Cavusin pour un chaï par un vieux monsieur, bronzé, barbe blanche et bonnet marron qui nous invite.

Les demoiselles coiffées comme des formes phalliques se pressent à Paça Bagi. A Zelve, c'est une vallée inhabitée depuis 1952 où se trouvaient des habitations troglodytes. Uzumlu Church. Dés bancs sous une tonnelle, des lits dans une grotte, un foyer c'est un peu le paradis, lance le Christ dans cette vallée rose. Sous le couchant, les sculptures semblent des corps dans l'ombre et leur tête au couchant attendant sagement le passage sur l'autre rive. À l’Orient restaurant, c'est la classe pour 25 TL. Le retour se fait dans la nuit le long des totems géants qui pointent leur nez vers les étoiles.


Abricot Passion

 

Zone de Texte: KoprubasiZone de Texte: GurunZone de Texte: AKSADAGZone de Texte: GOREME

 

GOREME – AKSADAG 407 km

 

GOREME – KOPRUBASI 136 km

Valloné jusqu’à un col puis descente grande route, on roule fort en ligne droite plat jusqu’à Kayseri

2km à 10% à la sortie Plateau valloné jusqu’à Koprubasi

KOPRUBASI -  GURUN 140 km

Toujours le plateau Montée raide puis descente sur Pinarbasi

Pas de ravitaillement, pas un market trouvé jusqu’à l’arrivée !

Lignes droites dans la steppe pis le Zigaret Geçidi à 1900m avant de remonter au col de Mazikiran à 1800m

Descente de rêve jusqu’à Gurun où on s’écroule de fatigue

GURUN – AKSADAG 131 km

Travaus pénibles dés la sortie de Gurun

Un col avant Darende. Halte à Balaban avant le Karahan Geçidi 1800m. Travaux encore, remontée et puis descente dans les vergers d’abricotiers jusqu’à Aksadag


Mardi 22 juin, le muezzin résonne dans le silence de l’aube. Les oiseaux prennent le relais pour chanter le jour nouveau. Toufui, toufui presque dans la tente. « Le premier ballon qui s’élève », me dit le Christ déjà debout. Les oiseaux huppés ; les ballots sur une charrette tirée par un mulet avant d'arriver au village de troglodytes d’Urgus aux habitations rupestres creusées dans la roche. Je m'y verrais bien dans ma résidence secondaire. Dernier au revoir à la Cappadoce, derniers tufs qui s’émoussent avec le temps, avec l'horizon. Longues lignes droites dans les champs de maraîchers qui lèvent la tête et nous font un signe en passant. Des montagnes pelées puis au bout d'un long col Kayseri Il Sivini, une interminable steppe qu’un nuage survole. La neige sur les sommets comme un mirage. On rejoint la grande route. Le train Trans Orient Express semble nous guider dans ces grandes lignes droites poussées par le vent jusqu'à Kayseri. Bakcala Camii et le tram nous accueillent..

Au Serkizi Market, le gros cuisinier au tablier rouge semble autant suer que son kebab. Les marchands réparateurs de vélos regroupés dans tout un quartier. Plein de bicyclettes et des Kuofers. La longue montée au sortir de Kayseri (Césarée) et d'un quartier à haute tour touche touche. « 2 km à 10 % », annonce une pancarte. « Je perds mes billes », me lance le Christian qui perd aussi la boule sous le soleil. Sur un plateau plus verdoyant, on suit toujours la montagne enneigée.

L’arrêt chaï fait du bien mais mille questions sur notre voyage nous assaillent. Le gris des montagnes pelées se confond avec les nuages. Va-t-il pleuvoir ? On continue sur cette grande route vallonnée. Christian fait galoper son cheval. Un premier village Koprubasi, village rustique regroupant quelques maisons où Mimish, bronzé, casquette, nous indique un restaurant un peu plus loin. Dans une station, on nous propose une chambre. Alors que la France, se moquent les serveurs est kaput. On peut dormir à l'intérieur alors qu'il fait assez froid. Quelle chance ! Le soleil couchant inonde encore la chambre derrière les peupliers qui plient sous le vent.

Mercredi 23 juin, les oiseaux et le soleil viennent nous réveiller dans notre tour vitrée comme une coupole astronomique. Dur le matin, de manger un oeuf, des olives, du fromage ! Le propriétaire nous fait visiter ses ruches alignées à l'arrière. C'est reparti, on butine les kilomètres. Quelques vaches sur un plateau verdoyant, des névés au loin. On redescend d’un niveau où on retrouve une plaine agricole. Des camps de nomades, une cigogne, une rivière aux eaux vertes et hop on remonte sur un plateau sauvage un peu garrigue avec ses chênes verts dominant un lac. On redescend sur ses rives à Pinarbasi. Arrêt chaï à une lokantasi où on mange déjà la soupe ! avant de poursuivre sur une grande steppe s'étendant à l'infini parfois sèche, parfois verte. Le dos du chameau se relève bien. A Olukkbayu, petit arrêt touristique pour visiter la Turquie profonde : une mosquée, des fermes, une fontaine en cascade, seuls quelques vieux monsieurs ahuris de voir un touriste. Des pelouses comme des alpages nous mènent au Zigaret Geçidi Akim 1900 m ! Gonflés par le vent, on roule bien ensuite mais le chameau subitement se relève

jusqu'au col de Mazikiran à 1800 m. Quelle descente ensuite sans freiner, sans contrainte sur cette route large aux grandes courbes. Gùrùn est aspiré à 60 km heure ! Quelle arrivée ! Une cabane près d'un Market épicerie où on monte par une échelle. On prend la place d'une famille qui en descend. Une table basse, des banquettes, où on s'étale et boit un jus de fruits comme on monte au ciel après une telle épreuve. Otel Feza, sur le balcon, vent frais face au Golpinar Market, les lokantasis dans une rue commerçante débordante de fruits : pastèque, cerises, pêches et prunes. À la lokantasi : des brochettes, une salade de tomates et un yaourt liquide. Attention aux piments ! Avec le Jean Yanne turc et son air de chien battu, retour à l'hôtel où on s'écroule de fatigue dans un sommeil tout en déscente.

Jeudi 24 juin, la soupe en petit déjeuner, faut s’y faire ! Un paysage désertique avec des montagnes rocheuses et des travaux mais il fait frais. Quelques nuages font défiler leurs ombres sur le flanc des montagnes. Quelques vergers d'abricotiers, de cerisier s'accrochent aux pentes. Le long de la rivière Yazikoila, la jandarma en rouge arrête un car. On remonte dans des montagnes arides et arrive à un col au milieu de ces steppes à perte de vue sans un village, sans une maison. Quelle descente ensuite 77 km heure. On plonge vite sur Darende. Une fontaine, le chaï est offert en face, Cinq enfants par la fenêtre d'une école qui nous font coucou, ce village est vraiment accueillant. Le vent nous pousse jusqu'à Balaban. Un homme moustachu nous fait un holà d'encouragement sur son tracteur tirant une remorque de bois. Un gardien de vaches aussi en passant. A Balaban, on fait la pause repas à la Lokantasi : riz, viande, petit-lait et chaï. Attroupement avec les enfants aux toilettes en bas d'une mosquée. Nous ne sommes que des prophètes du vélo ! La sortie du village : « Aprico, Aprico », nous crient les marchands d'abricots au bord de la route qui me tendent leurs fruits. La montée promet d'être longue. Il faut prendre son rythme. Voir ce qu'il y a derrière le virage, derrière le village dans cette steppe encore et toujours et on s'élève et ça devient plus vert. La route montante s'enroule autour des méandres verts de la montagne. Des maisons de pierre s'incrustent dans ses pentes presque enterrées. Et puis des pelouses recouvrent l’ante cime. Et le sommet du col avec en face un ancien volcan sans doute, un sommet pointu et avec une antenne relais. On dirait le Puy-de-Dôme. Couvert, air frais, on doit se trouver à plus de 2000 m et j'écris ça sur une pierre au pied de ce volcan vert face à une carrière de gravier gâchant un peu ce paysage d'alpages.

Nous sommes au Karahan Geçidi un col à 1800 m et le vent est frisquet. Nous trouvons un abri chez le marchand de cerises, abricots où un café au lait chaud est bien apprécié. La grande descente. Ca menace noir. Il ne pleut pas, c’est noir mais ça caille. Ca file bien mais soudain des travaux d'élargissement nous obligent à rouler sur la terre battue, le goudron fondu et la route devient comme une tôle ondulée pour nous achever. Au bas, encore une montée, des travaux infernaux et puis vient la descente, le virage à droite et la longue ligne droite qui semble se cogner contre les montagnes. Sous les vergers d'abricotiers, les ramasseurs étalent leurs fruits au sol. À droite, « Aksadag, Aksadag ! » crie Christian surexcité. Dernière longue ligne droite face au vent. La plaque Aksadag enfin, la mosquée et son minaret que l'on rejoint, la place Atatürk, les questions sur l’hôtel, l'école vite trouvée à l'étage. Vue imprenable sur le village, la mosquée au dôme argenté et les montagnes fauves au couchant. À la lokanta Kebab Hosgeldiniz kebab Kardeçler, décor ancien : peintures murales de Sainte-Sophie, pont sur le Bosphore, statue de la Cappadoce sur un vieux poste de radio qui chante des airs langoureux orientaux et nous entraîne dans la nostalgie du temps qui passe.

Vendredi 25 juin, pas de grasse matinée, le muezzin ne fait pas de cadeau, le soleil non plus qui inonde la chambre ouverte sur l'azur et le minaret qui y trempe sa flèche. Au café panoramique, c'est une soupe que l'on nous sert, pas moyen d'y échapper ! On voit le village s'animer autour de la statue sévère d'Atatürk : les fruits déjà étalés, quelques marchands de rue, les boutiques Market, les Kuofers, les tracteurs emportant leurs premiers cueilleurs d'abricots. En me promenant, je traverse le marché aux légumes sous des teintures avant de découvrir dans un jardin

des abricots séchant au soleil formant un beau tapis orange. Des marchands de maïs passent en roulotte pendant que les buveurs de chaï discutent le coup dans une allée ombragée. À la lonkantasi Onur kebab Salonu, les habitués, une clientèle locale, des militaires nous rassurent et pour 5TL que demande le peuple ? Kebab, riz, légumes, tomates, courgettes et poissons nous régalent. Sous un kiosque, il y en a quatre autour d'un bassin, j'écris tout ça. Trois hommes discutent pendant qu'une dame fichu vert et robe noire s'approche pour quémander la pièce. En me baladant dans le village au hasard des ruelles et des étals d'abricots, on me regarde comme si je débarquais d’une autre planète comme ce vieux monsieur intrigué, petite moustache blanche, à qui je dessine une bicyclette. L'hospitalité turque encore et toujours. Emrullah, jeune étudiant en anglais m’offre des cerises, des abricots et une glace. Un peu plus loin, c'est le pizzaïolo qui offre à Christian une pizza turkish tout droit sortie du four. Les derniers abricots rentrent au village rejoindre leurs frères séchant au soleil en attendant la lune qui s'arrondit.


Van Golu, Van Golu

Zone de Texte: AHLAT
 


Zone de Texte: AKSADAGZone de Texte: BINGOLZone de Texte: MUSZone de Texte: ELAZIG

 

AKSADAG AHLAT 521km

 

AKSADAG – ELAZIG 141 km

Pas de difficulté jusqu’à Malatya. Assez chaud. Après un lac, valloné puis grande descente jusqu’à Elazig

ELAZIG -  BINGOL 140 km

Pas trop méchant au départ d’Elazig puis bosse avant Kovançilar. Après Sarican c’est le Kuraça Geçidi à 1770m avant de redescendre sur Bingol

BINGOL – MUS 120 km

Ca se vallonne puis montée et travaux. Après Sahan c’est le Burglan Geçidi. Tout droit, faux plat descendant et plat jusqu’à Mus

MUS  - AHLAT 120 km

.Plat  dans une grande plaine jusqu’à Guroymak. Montée chaud puis plateau plus frais avant la super descente sur le Van Golu. Petits Vallonnements en longeant le lac jusqu’à Ahlat.


Samedi 26 juin, debout les gars, semble crier le soleil qui nous envoie déjà un bonjour chaud et aveuglant. Émotion dès le matin. Un gros monsieur, moustache et sourire accueillant, nous invite à boire le café autour de ses amis. Presque les larmes en partant d’Aksadag. La varzuela de mes roues sur les lignes droites le long des abricotiers qui nous font un cortège face à l'Est, face au soleil qui nous attire. Un berger de moutons nous fait un hello, les cigales cymbalisent à nos oreilles. Un viaduc en construction puis une main tenant une branche d'abricotiers et c’est l'entrée dans Malatya, capitale de l'abricot. On fait une halte au Sahan Kebab devant une grande avenue en chantier où bus, camions, motos, piétons, femmes foulards et longues robes, marchands ambulants se croisent dans un joyeux mélange coloré. Un homme et une femme  cueillant des abricots et c'est la sortie de Malatya. Stupéfait, c'est le nom d'un enfant d'un couple rencontré au bord de la route. Rencontre de hasard, rencontre étonnante. Une plaine d'abricotiers s'étend jusqu'aux montagnes pelées, brûlées par le soleil. Inonu Universitasi, immeuble moderne d'une Turquie qui avance. Nemrut Dagi, c'est une excursion sur ce célèbre mont qu'un bus nous propose. Les amandiers et des noyers se mélangent à l'arbre roi de cette région. Et soudain l'Euphrate. Un écrin bleuté entouré de montagnes ocres et les vergers d'abricotiers qui déversent leur verdure dans cette mer bleue. Des cueilleurs et vendeurs d'abricots tous les 100 m ! Une halte chez Efer avant de poursuivre dans les abricotiers où les cigales ont leurs abris. Une cigogne aperçue avant un arrêt au bord du lac en terrasse surplombant deux maisons sur pilotis musique orientale.

Le vent fait des rides sur l'eau et nous emporte vers le large. Retour sur Terre. La Jandarma m'arrête et me demande d'où je viens ? Où je vais ? dans un anglais approximatif puis me laisse repartir après un ok en conclusion. Les eaux turquoises du lac se faufilent dans des gorges puis on les quitte pour des vallonnements et des minarets comme des phares de loin en loin sur les sommets. Un Coca nous rafraîchit à une lokanta où on discute avec le tenancier et c'est reparti avec quelque cerises offertes pour la descente jusqu'à Elazig. Ça grouille dans les marchés du Sehir Merkezi. Après unn échafaudage en bois remarquable à gauche, on trouve notre hôtel Varan pour 60 ITL. Grand luxe autant pour nous que le quatre-étoiles qu'on nous a proposé avant. Il a fait chaud et on apprécie une fraîche su encore offerte en s'étendant sur le lit qui bouge encore après un tel voyage. Le bazar, les tissus, les Kuofers, les barbiers, des femmes voilées de noir, on fouette les chaussures, on arrose la rue. Les fruits secs dans des beaux sacs en tissu, des marchands ambulants de fruits. Ah, les belles pastèques ! Il faudrait plusieurs yeux pour tout voir. Une belle mosquée imposante on dirait Aya Sofia. Dans une lokanta, du petit-lait, la soupe aux pois chiche, les brochettes et l'assortiment de légumes. Attention aux piments verts ! nous régalent. Une musique orientale arrive dans notre chambre comme pour nous endormir et quérir nos blessures.

Dimanche 27 juin, dormi un peu énervé après l'altercation d'hier. Christian veut toujours décider de tout : l'hôtel, la route, où s'arrêter. Va-t-il me comprendre ? Pas de muezzin ce matin dans notre chambre trop fermée mais un concert d'oiseaux et des vols d'hirondelles au-dessus du garage où nous avons fait dormir nos chevaux. Vite sorti de la ville pourtant importante. Diyarbakir ! Sur un panneau, ça sonne comme un cri d'attaque. Une pétrolette à trois surprenant mais c'est assez courant ici. Champs de blé et betteraves ont remplacé les abricotiers. Des blés dorés se jettent doucement dans un lac bleu. Un troupeau de chèvres noires et moutons blancs bien gardés par un chien. Un breakfast inattendu. Mon Christian est arrêté à une station où on fait le plein d'olives, tomates et fromages arrosés d'un chaï avec nos amis de passage. Incroyable ! Les blés continuent de remonter jusqu'aux montagnes se mêlant à leur couleur ocre.

« Un nid de cigognes », me crie le Christian, enthousiasmé. Dans une côte, un cortège de mariage me double en klaxonnant. Je me crois dans une échappée du Tour et je dois me faire rattraper par le peloton ! Malgré cela, mes jambes légères tombent comme des pistons bien huilés. Un tracteur me double mais je le redouble dans la descente, les bras levés, j'en perds ma casquette. À l’ombre sur un banc de Kovançilar, je vois mon Christian qui passe. Je le hèle mais il n'entend pas. Vais-je le retrouver ? À la sortie, je le vois encore attablé invité cette fois dans une station. Notre repas de midi nous est servi cette fois. Incroyable encore ! C'est dur de repartir dans la chaleur. Le patchwork de champs de blé s'étale dans la plaine recouvrant les collines et forme un tapis persan où se joue l'ombre des nuages. Sarican. Ça ne ricane plus avant le col. Un Coca avant cette longue montée dans la steppe avec des troupeaux et leurs bergers qui nous font signe. La végétation rase fait penser aux causses jusqu'au col Kuraça Geçidi  à 1770 m. Une bonne descente tranquille avec de petites remontée nous conduit à Bingol que l'on aperçoit au loin s'étalant dans la plaine. On se laisse aller vers le Sehir Merkezi où une grande mosquée et des enfants un peu collants nous accueillent et accompagnent jusqu'à l'hôtel Atli. Une douche chaude sur nos corps meurtris. Quel plaisir ! Les jardins de la mosquée que le cireur de chaussures nous invite à découvrir. Sous les ombrages, on boit le thé et on discute. La robe qui se promène. Une mariée dans sa belle robe blanche sort d'une limousine mais une voilette cache son visage. Un trésor, ça ne se montre pas !

Lundi 28 juin, le muezzin pas loin chante sa plainte dans la ville endormie. « Allah Allah aaa » résonne à côté de nos lits. La soupe au lait fermenté chaud le matin, heureusement il y a le chaï qui apporte sa douceur ouf ! Un fantôme dans la rue après avoir quitté la mosquée blanche. Une dame entièrement voilée de noir juste les yeux. Un vieux monsieur bonnet blanc avec le râteau auquel il manque des dents. Lui aussi sans doute. Des vaches se promènent le long de la route avec des ânes en liberté. On monte dans un paysage de causse. Un marchand de glaces au bord de la route nous rafraîchit pendant qu’un groupe à l'ombre dans un champ de meules de foin nous fait signe de venir les rejoindre. Les travaux sur la route ralentissent notre allure et ça devient pénible. Une petite route ensuite bien bitumée où on s'accorde une halte à l’ombre avec deux hommes et deux enfants au seuil d'une maison abandonnée : un poêle et des matelas empilés, des restes d'emballage font penser à une ancienne épicerie. Une cantine de chantier nous attire pour le repas de midi à Sahan mais hélas on se fait virer par le gérant. Dans le village, une lokanta bien propre fera tout aussi bien notre affaire : soupe de lait, pois chiche, mélange de viande et de légumes : courgettes et tomates dans un plat. Le riz au lait nous régale en dessert. De quoi repartir vers le col de la journée le Burglan Geçidi dans un paysage alpin, un col assez tranquille mais qui montre sa force dans une dernière cote sévère. Au pied d'un mont volcanique, c'est maintenant une route toute droite jusqu'au lointain avec ses pelouses puis ses champs de fourrage coupé en petits tas à l'infini. Des vaches, une ferme, un berger et son chien m’attirent. « Il ne mord pas », m’assure le berger mais je n'ose le caresser !

Ça dévale dans la plaine à coups de lignes droites et de faux plats descendants. Les cultures remplacent les prés et l'élevage et c’est Mus où l'on bute sur les montagnes en névé parsemées. Hôtel pas cher vieillot mais plein de charme, grande chambre avec quatre lits et nos chevaux qui s'y reposent. Au çubuk Altinsis Kebap Salonu, on goûte au petit-lait d'Iran, brochettes kebab, pains et salade de tomates, courgettes, oignons dans ce restaurant huppé en terrasse. Plutôt frisquet pendant que le coiffeur fait sa prière sur une planche. Le premier kurde. Un bronzé buriné qui s'invite dans notre chambre « Kurdistan », nous a-t-il lancé pour se présenter. Il vient de Diyarbakir et s'appelle Saïda et appartient au PKK. Le personnage Mehmet. Un autre Kurde fort en drapeau, sachant chanter imitant Pavarotti et pouvant faire le Christ sur la croix ! Un kurde aussi mais quel acteur parti prier avec sa planche à repasser. « One God, no problem », répète-t-il pour affirmer sa foi en l'homme et en une ultime réconciliation dans l'au-delà.

Mardi 29 juin, le ciel bleu au-dessus des maisons de la ville déjà animée : des oiseaux, des gens qui s'interpellent, bruits de camions au loin, de marteau, talkie-walkie, Christian et l'hôtelier dorment encore du sommeil du juste. L’hôtelier dans le couloir sous la télé semble imperturbable. Du monde déjà sur les tenture du çubuk Altinsis Kebap. L'épicier du coin en face nous offre le chaï avant de partir. Assez plat au début, de longues lignes droites dans les prairies à perte de vue où les villages se blottissent à flanc de colline que les tracteurs sillonnent. De gros troupeaux de vaches apparaissent çà et là. Une carriole de bois tirée par un cheval. Des soldats sur la route nous font un hello. On discute un moment avec eux et on rigole bien

quand je met un de leurs casques pour la photo. Le chef arrive et crie des ordres en turc. Finie la rigolade. Dans le village de, Gùroymak, autour d'un chaï, c'est tout le village et les enfants qui semblent rassemblés autour de nous. À la lokantasi : kebab, ragoût de courgettes, pommes de terre, salade. Pen dant qu’on mange, un monsieur fan du Agat Gölü, un lac en montagne nous raconte à l’envie qu’il s'y trouve des sources d'eau chaude et d'eau froide. Des joueurs de dominos dans la salle à côté tapent à chaque coup joué. Bye, bye la compagnie, nous on joue au vélo et quelquefois on perd, ça remonte après le repas. On digère au milieu des alpages mais au sommet miracle, deux pastèques bien fraîches et sucrées nous sont offertes par des gens sortis d'un minibus. De belles fleurs blanches sur fond de montagnes incitent à la photo si ce n'est avec les yeux. De beaux troupeaux de moutons et de chèvres avant l’embranchement de Blitis que l'on laisse sur la droite. Une ligne droite, une route lisse avec le vent dans le dos entraîne nos voiliers vers le large à vive allure le long des prairies où paissent des grands troupeaux. « Des mérinos ! » s'exclame le Christian. On aborde la descente et soudain : « Van Gölü, Van Gölü », je crie en levant les bras au ciel. La descente sur Tatvan et on rejoint le lac turquoise où se mirent les montagnes tapissées de névés. On longe ses rives, des prairies comme des alpages à gauche et la mer de l'autre côté. On passe de criques en plages. La rencontre avec le jeune berger. Arrêt photo devant son grand troupeau. Il s'appelle Hamaliçan et me baise la main. Je l'embrasse en partant. Rencontre fugitive mais forte en émotion.

Un peu plus loin, un autre troupeau de moutons mérinos recouvre les bords du lac. Photo du genre Patou pas méchant en laisse par son berger. Et là, je le caresse ! On continue vers une presqu'île. « Ahlat, Ahlat » crie le Christian en apercevant la ville au loin au fond d'une anse. Des goélands regroupés sur la plage s'envolent gracieusement au-dessus du lac. Les cultures de tomates, haricots ont maintenant remplacé les prairies. On contourne la grande anse d’Ahlat comme une grande boucle. C'est par une petite remontée que l'on atteint le Sehir Merkezi. Beaucoup de demandes d'hôtel mais on nous indique toujours le plus cher Metropol. C'est après le centre, tout près de la plage qu’on trouve enfin notre hôtel, pas le grand luxe mais notre chambre à l'étage a une vue magnifique par-dessus les toits sur cette mer bleue ridée par le vent et ces montagne brumeuses avec çà et là quelques névés. Allongé sur le lit, on peut rêver comme sur un bateau en partance.

La joie partagée, la joie d'être ensemble sur la jetée du Van Gölü avec nos amis rencontrés là pour une photo inoubliable. Encore un kurde de Diyarbakir dans cette bande de joyeux lurons. Petit homme sympa parlant beaucoup, vendeur ambulant de produits chinois et autres chaussettes dans son camion aménagé qu’il nous fait visiter. Une moussaka aubergine sublime pour terminer cette journée de la rencontre avec le Van Gölü.

Mercredi 30 juin, les mouettes qui caquettent mais aussi hélas les camions et un marteau-piqueur viennent troubler la vue romantique sur le lac bleu sur fond de montagnes parsemées de névé. Petit-déjeuner ce matin au miel brut avec du beurre extra !

Les ruines d’Ahlat Tarikçesi : des pierres tombales sculptées dispersées dans un champ. Des frises et des motifs sculptés avec des inscriptions en perse ? Bayimdir Camii, c'est un bâtiment carré de pierre marron à tour génoise à colonnes rondes à toit pointu. C'est la tombe de l'émir Bayimdir. Ulu Kumbet : c'est une tour ronde richement décorée sans inscription. Beau dôme à l'intérieur. Harabe Sehir est indiqué sur un chemin. On s’y engage et on trouve des habitations troglodytes creusées dans la roche : cuisine, chambres, plusieurs salles voûtées. Et Christian, l’Hermite, apparaît dans un trou. Un peu plus loin conduit par notre jeune guide, un pont en arche coudée au-dessus d'une cascade. Elle est fraîche l'ombre du grand noyer s'élevant sur le pont !

Dans le centre du village :

quelle vue par-delà la cour en arcade de la Camii sur le bleu pur sur fond de montagnes enneigées ! L'après-midi, tour à la plage. Plongée dans le Van Gölü. « Van Gölü,  Van Gölü », je crie pour me donner du courage

en rentrant dans l'eau un peu salée mais bonne. Avec Ramadan et Varap, dans la grosse bouée, poussé vers le large, faisant la planche entre ciel et mer dans mon lit flottant d'azur ça plane pour moi !

Sur la plage, il y a le coin des garçons qui jouent comme des fous dans l'eau et celui des filles habillées et leurs familles. Je m'isole sur un coin du rocher, n'écoutant pas les « What’s your name ? » que le clapotis des vagues sans cesse qui m'appellent. Un jour, je tomberai de ce rocher et embrasserais ces vagues pour toujours, je me pense.

Les montagnes rosissent sur le lac qui s'assombrit avant de glisser dans la nuit. Un homme fait sa prière, agenouillé sur une plage, il prie peut-être pour que demain vienne un autre jour.


Enfin l’Ararat

L’arche de Noe

Goran, le chamelier

Zone de Texte: AHLATZone de Texte: ERCISZone de Texte: ARARATZone de Texte: DOGUBAYAZIT

 

AHLAT – DOGUBAYAZIT 227 km

AHLAT – ERCIS 100 km

On longe le lac pas trop vallonné On s’en éloigne, ça devient plus vallonné et en travaux Route meilleure ensuite puis descente sur Ercis Chaleur. Au bord du lac, Grand Hotel Arsisa

ERCIS -  DOGUBAYAZIT 127 km

Au bout du lac, la séparation Christian sur Van, moi sur Dogubayazit

Seul pour remonter petite route sympa puis en travaux

Longs faux plats montants puis montée après Caldiran de plateau en plateau jusqu’au Tendurk Geçidi à 2644 m. Pierres, chiens et ciel sombre donnent une ambiance plutôt fraîche pour redescendre. Heureusement, l’Ararat même dans les nuages réconforte. Plat descendant jusqu’à Dogubayazit. Ouf !


Jeudi 1er juillet, trop de chaï hier soir avec nos amis Kurdes Mehmet, Yaouch et un jeune étudiant à la coiffure très gonflante avec des mèches. Le bruit des camions, des mouches qui volent, les mouettes, ce matin, tout semble me réveiller et pousser à lever l'ancre. « Le premier bateau de pêche », s'écrie Christian en voyant s'éloigner sur le lac ridé partagé en deux lignes bleu clair et foncé sous l’azur. La Goktas Dinlenme Tesisleri, on arrive pas à la quitter nous. Des problèmes de boyaux pour Christian avec la moussaka tout d'abord que ses intestins n'ont pas bien supportée et les crevaisons de pneus qui se dégonflent avant de partir. On arrive finalement à réparer et ce sont les alpages que nous retrouvons en repartant d'Ahlat. Un troupeau dans un marais. On longe le lac entre ciel et terre, entre ciel et mer. Un léger vent frais pousse nos chevaux doucement le long de ces belles eaux turquoise. En passant, une femme voilée de noir dans un groupe, une autre lavant le carreau au seuil d'une maison. Que peut être la vie de ces femmes avec lesquelles on a quasiment pas eu de contact ?

Quand la montagne se retire, les cultures reprennent le dessus avec surtout le fourrage. Une montagne enneigée apparaît au-dessus des collines rondes et verdoyantes. Une falaise avant Adilçevaz, un village comme une station balnéaire avec sa promenade le long d'un lagon turquoise plus clair.

Des vaches n'hésitent pas à prendre un bain de pieds ! La plaine s'élargit laissant place aux cultures de poivron, aux champs de blé. Des maisons aux toits métalliques à quatre pans forment comme des tentes blanches brillant au soleil au bord du lac. Arrêt dans une station où les gendarmes sont sympa sans le chef qui leur crie dessus. Les travaux cassent notre allure jusqu'ici tout en douceur. Ça crève encore pour Christian. Décidément, cette route est un tord boyaux pour nos pauvres pneus ! On repart mais juste avant une autre station, recrevaison, la galère pour Christian. « Tu as commandé un menu ? » me lance le Christian toujours optimiste dans cette galère. Finalement, il mangera dans une cantine, invité par des ouvriers sous une tente et moi à la station. Les Jandarmas me laissent passer au barrage filtrant juste en face mais ça rigole moins. Au restaurant de la station, je suis accueilli par un Kurdish, petit gilet noir sur chemise blanche, grand sourire au milieu d'une belle barbe fine.

Quand les Turcs deviennent ingénieux. Le Christ a déchiré un pneu tout neuf. Qu'importe, le réparateur de pneumatiques lui colle une rustine à l'intérieur et c'est reparti. La route devient meilleure et le moral revient. On redescend sur Ercis sans passer par le centre. Dommage.

« IRAN », marqué pour la première fois sur une pancarte. Un peu plus loin, un homme me prend en photo quand j'arrive sur lui. Bien habillé, c'est un Iranien de Chiraz. Il nous écrit pour la première fois nos prénoms en persil ou farci. Arrêt Coca pour les intestins du Christ courageux qui veut maintenant continuer. Baise main des petites filles qui les portent au front en se prosternant. Émouvant. La première fois aussi qu’une jeune fille splendide, cheveux au vent aux yeux et sourire charmeurs nous posent des questions ouvertement comme les hommes d'habitude. Belle rencontre libre autour d'un chaï. Christian est exténué, a des frissons et demande un hôtel peu avant Unseli. En descendant vers le lac, ses rives, les petits kiosques où les gens se reposent et écoutent de la musique. C'est un grand hôtel quatre-étoiles l’Arsisa, qui nous accueille. Grand luxe, grand hall à l'entrée avec des représentations sculptées grecques à tête de lion. Du lac brumeux le soir, nous parvient la musique par effluve nostalgique comme les rides bleu du lac Van Gölü.

Vendredi 2 juillet, un chien qui aboie, des piaillements d'oiseaux, on se réveille doucement. Grand beau sur la baie du fameux Van Gölü et ses petites vaguelettes. Christian va mieux. Ararat aujourd'hui, si tout va bien, on le verra ce soir, Inch Allah, la silhouette sublime de l’Agri Dagi. Christian, malgré cette amélioration décide de repartir sur Van. Trop fatigué, saturé de vélo sans doute. Un peu triste de voir notre chevauchée a deux se terminer bientôt. Bye bye le grand hôtel Arsisa. C'est un vallonnement le long du Van Gölü avec des foins entassés dans les champs comme des trophées. Les fâneurs le retournent à la fourche. Manque de jambe pour Christian dans ses montées successives.

 

Les mouettes se regroupent par milliers sur une rivière. Dernière vue sur le Van Gölü que l'on quitte ici.

 

 

« IRAN  - DOGUBAYAZIT, d'un côté, « VAN » de l'autre, nos routes se séparent. Ciao ciao Christian. Séparation rapide. Bonne chance, bon Van, j'oserais dire. La peur au ventre car tout seul sur cette route inconnue broken et étroite m'a prévenu le sympa hôtelier. Petite route agréable au départ mais les travaux changent le décor : « Muslim, don’t panic », me dit un ouvrier de chantier en me montrant sa barbe. Seulement « 17 kilomètres » de travaux, m'a-t-il indiqué ! Quelques passages sont très pénibles. Deux enfants nus sortent d'un ruisseau trouvant le moyen de me jeter des pierres ! Beaucoup de poussière, par moment, soulevée par les camions, on ne voit plus rien. La route devient ensuite plus large et surtout sans travaux. C'est le rêve après l'enfer. Petit village, un Market mais sans pouvoir manger (emek), je m'arrête. Un croissant au miel, des petits gâteaux et un coca, je m'attable avec les enfants qui m'entourent comme des mouches. Ça remonte doucement sur une bonne route se faufilant dans un paysage alpin. Trois faucheurs fauchent en cadence un pré comme un ballet de la mort de l'herbe. Arrêt devant une rivière enfermée dans des falaises. Les petits arrivent, je m'en vais. Marché à Caldiran, vite assailli autour d'un chaï. Un homme au chapeau vert sort d'un car accompagné d'une femme entièrement voilée de noir. Des poules vivantes dans une cage. Un symbole de la vie des femmes ? Grand plateau de prairies verdoyantes autour d’Ozalp. Enfin, ça monte ! Pas très longtemps, ce n'est qu'un premier palier. Un chaos rocheux à perte de vue, des roches de lave ? Mais où est passé le volcan ? Les troupeaux de moutons mérinos et des chèvres à poil long angora s'éparpillent sur les alpages. A Sogukçu, des maisons basses à toit plat en pisé apparaissent avec les premières yourtes. J'arrive à la dernière partie du col, car on le voit, je le suppose loin au bout de lacets immenses où la pente est plus dure. C’est le final, là haut qu’il faut aller chercher. Ca y est, c'est le panneau du Tendurek Geçidi qui culmine à 2644 m d'altitude. L'heure du PKK. Le temps de prendre une photo, un groupe de kurdes sortis d'un minibus m'aborde en m'offrant le thé. Au fil de la discussion, l'un me montre sérieux, sa montre. Je comprends que le PKK peut sévir à partir d'une certaine heure quand il me fait le geste et le bruit de la mitraillette ! Il commence à faire frisquet, je m'en vais dans la folle descente. Les bergers me sifflent, me font signe de m'arrêter et sinon ils ont des frondes pour me lancer des pierres. Je ressens tout à coup un endroit hostile, le côté obscur des nuages, tout s’assombrit, quelques gouttes, un gros chien qui aboie en rageur parti à fond de balles à mes trousses. Chaque village, chaque troupeau, je le redoute.

 

Et soudain, comme pour venir me rassurer dans les nuages surgit l'Ararat, trempant son sommet dans les brumes mais c'est bien lui, massif, mêlant sa neige dans les nuages. Le soleil revient avec les lignes droites face à lui, face à Dogubayazit. Le Sehir Merkezi est assez animé, des marchands ambulants, de nombreux commerces, des Markets dans des rues pavées mais aussi pas mal trouées. Le coin des hôtels. L'hôtel Emrah à 15 ITL la nuit me convient. Chambre simple donnant sur un mur. W.C., douche froide sur le palier. Il est loin l'hôtel Arsisa. L'hôtelier sympa, c'est déjà ça quand on revient de ces montagnes sauvages et hostiles. Grande allée centrale où les gens (les hommes) prennent le thé assis sur des tabourets. Des coiffeurs, des bars à thé, des pastanesi, des vendeurs de glaces comme à Istanbul, quelques lokantasis. C'est au restaurant Gùren tout près que je m'installe seul dans la salle avec le monsieur et son fils. Je vois passer les marchands ambulants ramenant leur charrette pendant que j'engloutis ragout d'aubergine, pommes de terre, riz et salade de tomates. Retour à l'hôtel où sur le balcon j’entends la musique turque du Cansin Bup café en face. Sur mon lit bleu, je m'étale exténué en écoutant ses accents mélancoliques.

Samedi 3 juillet, le muezzin tôt le matin résonne et fait écho dans ma tête endormie. Petit mezze en face au Kahvalti Salonu, royal avec beurre et miel. «  A Dogubayazit, tous les gens sont kurdes, seule la police est turque », m’explique le patron un peu Charles Aznavour jeune, cheveux gris et moustache. Au coin d'une rue, miracle, Ararat est là devant moi avec sa masse neigeuse comme une pyramide imposante et magnifique vers le ciel bleu. Sur la route pavée d’Ishman Pasa Sarayi, un soldat me salue derrière un sac de sable. Des chars surréalistes sur fond d'Ararat enneigé. Ça monte sévère comme un mur de Grammont soudain tombé en Asie, la route se cogne puis s’enlace et embrasse l’Ishman Pasa. Dommage, perdu l'Ararat en cours de route disparu derrière une montagne. Seul un nuage témoigne du haut sommet.

Me voilà devant l’entrée de ce palais d’un prince Kurde du XVII ème siècle :

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Belle porte en pierre rose sculptée débouchant sur une première cour avec des cellules de prison. Une deuxième cour enferme une tombe à toit pointu monumentale et richement décorée. Une terrasse ouvre sur les rochers et la grande plaine de Dogubayazit. Une salle voûtée où se trouvait une bibliothèque. La mosquée à colonnes et dôme magnifique avec des fresques peintes et des petites fenêtres en cercle où les pigeons roucoulent. La porte aux lions ouvre sur un salon, la salle des dîners avec des colonnades et des soubassements en pierre noire et blanche. Les salles du harem avec une cheminée est vide ! Le hammam et sa salle octogonale. Une grande cuisine avec une cheminée et une fontaine. Dernière salle voûtée mais en rénovation.

Goran le chamelier.

C'est un français que j'ai rencontré à la pastanesi du coin entouré de deux amis kurdes. Son visage buriné, ridé surmonté d'un turban entourant ses cheveux et ses yeux bleus comme deux phares m'a tout de suite attiré. Enfant de la Ddass, il vit depuis très longtemps en Asie dans de nombreux pays dont l'Afghanistan avec ses chameaux et plein d'autres animaux. Il se définit comme un nomade, me raconte ses aventures, ses riches rencontres et les dangers, les pierres comme moi qu'on lui a jeté. Beaucoup de kurdes mais aussi d'autres nationalités ou minorités, des azéris, des Arméniens coexistent ici. « C'est un système de clans », m’explique-t-il. « Il faut se faire accepter par un clan ». Ça me fait un peu peur quand il me dit qu'a Igdir, Kars, c'est encore plus hostile ! Il me fait l'accolade en partant, en m’invitant dans son domaine près du camping l’Alezar. Un peu Pierre Richard devenu nomade. Merci Goran, le chamelier pour cette rencontre, ton soutien et tes yeux bleus qui éclaireront longtemps mon souvenir. Un peu comme si j'avais trouvé l’Arche de Noé près du mont Ararat.

Promenade au fil des rues, une rue en travaux après l'allée piétonnière impeccable : des coiffeurs, petits cireurs de chaussures aux mains noires. Passaj Buyuk, c'est un bazar avec de l'artisanat, des bijouteries, des tableaux, beaucoup de chats haut sur pattes, des chameaux soutenant un service à thé. Marché aux fruits sur une place avec une fontaine entourée de bar à thé, un fabricant de corde qui fait du boucan avec sa machine et l'Ararat qui pointe son nez par dessus les toits. Les deux hommes derrière moi devisent en turc pendant que le petit serveur me tend le thé. Restaurant Mevlana Salonu : kebab brochette, salade. Derya Pasatanesi, un succulent gâteau au chocolat avec un chaï sur l'allée piétonne à côté des causeurs et buveurs de thé. Une petite douceur avant demain, boire dernier verre au Cansin Bup café et s'endormir. Inch Allah demain.


Zone de Texte:  AKTASCa casse à Aktas

 


Zone de Texte: CILDERZone de Texte: KARSZone de Texte: TUZLUCAZone de Texte: ARARATZone de Texte: DOGUBAYAZIT

 

DOGUBAYAZIT – AKTAS – CILDER 316 km

DOGUBAYAZIT – TUZLUCA 95 km

Vue sur l’Arart sur les lignes droites en sortant de Dogu. Ca s’elève gentiment pour un col. Travaux pénible puis bonne route pour redescendre sur Igdir où je retrouve la chaleur. Plat mais mes pieds me brulent jusqu’à la steppe de Tuzluca

TUZLUCA -  KARS 96 km

Petite mise en jambe dans la plaine en partant de Tuzluca mais à partir de Halikisla longue montée pour un plateau désertique. Petite descente sur Digor avant d’attaquer un premier col puis le Hanlar Geçidi à 2286 avant la longue descente sur Kars

KARS – AKTAS – CILDER 125 km

Pas mal de lignes droites assez plat en partant de Kars. Peu à peui remontée  jusqu’au village de Tasbasi  . On longe le lac ensuite et on s’aperçoit à peine qu’on arrive au Tasliyarma Geçidi à 2017 m . On continue à longer le lac par des valonnements le long du lac. Petits travaux avant d’arriver à Cilder. Dernière montée sérieuse avant de redescendre sur la frontière d’Aktas. Là, la route est infranchissable bien que plate. Les barrages des hommes sont plus durs que les cols !


Dimanche 4 juillet, les oiseaux de leurs sons aigus ou graves, quelques syllabes aux longues discussions mêlées aux bruits de la rue : ça tape, ça parle, ça roule qui montent avec le jour m’appellent ce matin vers la route qui me fait peur maintenant. Du mal à partir de Dogu, de Goran mon protecteur après un petit déjeuner copieux chez le même face à l'hôtelier sur le trottoir d'en face assis à boire son thé. En passant devant les salons de thé, déjà on me hèle. Igdir marqué, me voilà embarqué sur cette route chaotique. Des maisons à toit plat où pousse de l'herbe semblent des bidonvilles surmontés de paraboles. Du mal à trouver ma voie sur cette route en ligne droite pas toujours lisse. Le vent me pousse vers ce mont Ararat, une fleur blanche tombée du ciel. Est-ce un signe ? Des troupeaux de vaches se dispersent sur cette vaste plaine qui s'étend jusqu'au pied du chien blanc dont le flanc brille au soleil. Les camions d'Iran me doublent péniblement poussifs en montant le col.

Des champs de blé, les collines forment une écharpe verte autour du sommet blanc. Pas de berger encore mais la route devient la cata dans la descente, goudron fondu, gravier, terre battue tassée, tout y passe. Les ouvriers m'offrent la su fraîche. Peu après, route lisse, ouf ! Ça redescend par paliers jusqu'à la ligne droite d’Igdir. Encore une photo d'Ararat aligné avec une mosquée comme s'il possédait un minaret. Je contourne le centre et continue vers Kars en retrouvant la chaleur.

Des cigognes à la sortie semblent posées sur l'Ararat en sculpture cette fois. De petites fontaines comme des kiosques, des vendeurs de fruits au bord des routes, des familles qui pique-niquent sous les pommiers ou les abricotiers égaient cette route monotone en ligne droite. Heureusement, le plat et un vent favorable permettent de bien rouler dans cette plaine agricole. Et puis, tout d'un coup le désert comme si l'homme s'arrêtait là, une steppe aride avec des vallonnements. Il fait chaud, j'ai la gorge sèche et pieds me brûlent. J'approche de Tuzluca. Derrière moi, l'Ararat n’est plus qu’un nuage dans le bleu d’un lointain fumeux. Je m'arrête à un routier. Kebab poulet, riz et salade montré par le cuisinier. « De l'eau, de l'eau, su, su » demandai-je au serveur. Léger courant d'air bien agréable après ce coup de chaud. La note est un peu salée. Le patron me montre ses 10 doigts derrière son bureau de ministre qui contraste avec sa tenue : faut bien le payer ! Tuzluca, un hôtel ? Je trouve chez le teacher home. Sauvé par le chamelier. J’ameute tout le village et la police pour ma carte d'identité laissée à l'hôtel Emrah à Dogu. Heureusement, j’appelle Goran qui me la récupérera. Tu deviendras mon sauveur, toi, le nomade qui aime ceux qui voyagent. A Tuzluca, embarqué après mon passage à l'Internet café dans la bande à Tolga autour d’un chaï et au milieu de tous ces groupes à l'ombre des acacias. J'aurais aimé m’y imprégner , discuter avec un moustachu qui me fait signe. Tolga est fier de promener son français dans tout le village. Bye bye Tolga qui s’enfile dans une grande voiture. Dans le parc municipal au premier étage du restaurant Yuce Parki, je vois les familles s'y réunir et les enfants jouer dans le toboggan et un jeune homme qui promène son arbre rose barbe à papa comme un trophée. En sortant, je m’arrête devant la statue d'Atatürk tenant son chapeau et sa canne qui me salue avant de sombrer dans la nuit.

Lundi 5 juillet, une étuve dans la chambre et j'ai cuit à petit feu cette nuit. Du mal à émerger ce matin, comme sorti d'un coma dans un bruit de charrettes, camions, tracteurs qui passent sous ma fenêtre couvrant le chant doux et léger des oiseaux. Faut bien partir. Au départ, mes jambes semblent tenir. Maisons basses pauvres à la sortie du village. Des jeunes bergers avec des vaches qui me siffle. Ça ne va pas commencer ! Steppe plus verte puis pelée désertique. Je traverse un canyon aux roches roses où des troupeaux paissent le peu d'herbe au fond. Bifurcation pour Kars annoncé par un barrage de militaires. Salut de rigueur mais un chien hargneux vient m'aboyer à 10 cm des mollets ! sans mordre heureusement. Sans doute un chien kurde qu'ils ont laissé échapper ! Pas trop mal, je roule mais avant la montée que je vois se dérouler jusqu'au plateau. Un arrêt bréakfast à une lokanta tenue par une dame  jupe longue et foulard à Halikisla. Sa mine sérieuse, son air triste évoque la vie rude dans ces contrées. Les kurdes de passage, un de Dogu va prendre l'avion. Une poule s’invite dans la salle, qu’elle chasse aussitôt. Je la laisse pendant qu'elle fait la vaisselle à la fontaine à côté de la terrasse ombragée sous les tapis. Longue montée en perspective, c'est le verdict attendu. J’y arrive, je m'élève dans un paysage aride de causse, là-bas un sommet pointu et enneigé, mais pas l'Ararat. En haut, un plateau désertique,

une steppe avec juste de grands chardons à fleurs roses. Nul arbre à l'horizon sous ce soleil qui cogne. Morceaux de goudron refait. Les cantonniers m'accueillent pour un chaï à l’ombre de leurs camions. C'est la seule du coin ! « Meraba, Meraba », je leur lance en m’arrêtant. Pas facile ensuite de dialoguer. Digor, 30 km, m’indiquent-ils de leurs mains. Ca vallonne dans des champs de blé, de fourrage luzerne, un patchwork de bruns, de blonds et de verts mais pas un seul arbre. Un arbre, ça sert d’ombre, on peut s'y reposer, c'est comme un protecteur. Le serpent se rabaisse ensuite. Les moissonneurs me saluent au passage. C'est la descente vers Digor où je peux enfin étendre mes pieds à la station où je me ravitaille en eau et en jus de cerise frais, le pied ! Plutôt que la sieste que je vois faire au seuil des maisons sur le balcon, c'est le col que je gravis dans la chaleur au-dessus de Digor. De grandes boucles dans les steppes vertes sans arbre puis le col enfin, il fait soif. La montagne recouverte de grands champs de fleurs

comme recouverte d'un tapis aux bandes colorées. A Dagpinar, pas mal de chevaux, de carriole, j’y fais un arrêt coca en bon touriste hélé par les enfants qui n'en ont, sans doute, pas vu depuis longtemps. « Komando Unce Vatan », marqué en grosses lettres sur une montagne. Et, c'est pas le PKK qui a écrit ça quand même ? Jaunes et violets, que c’est beau ces tapis de fleurs. J'arrive enfin au grand col le Hanlar Geçidi à 2286 m, un col à cinq kebab ! La grande descente sans freiner vers Kars qu'on voit briller au loin. Le Sehir Merkezi, des lions à un carrefour. Je me suis battu comme un lion mais j'y suis arrivé. Plusieurs hôtels côte à côte, c'est finalement l'hôtel Oz Kervan Saray tenu par un vieux monsieur accueillant qui m'offre le thé de bienvenue que je choisis. C’est mon caravansérail où mon chameau restera dans le hall pour la nuit. Certes, il a beaucoup bu dans cette région semi désertique mais il a bien roulé. Des marchands de glaces d'Istanbul en sortant de l'hôtel. Rues animées, commerçante avec des magasins de luxe, kebab, lokantasis, pastanesis, Internet café. Un mariage sorti d'une limousine. Femmes au foulard coloré ou cheveux aux vents. Marchands de vêtements, coin des chaussures, bazar. Je m'assois sur une margelle à côté d'un marchand de fromage aux belles meules dorées. De grands panneaux lumineux au coin des rues contrastent avec ces commerces traditionnels. Sehr-i zade, un café en face trop moderne avec un nom qui fait toujours rêver. Des noms qui font voyager les mots de pays en pays comme Pazari, le bazar turc. La nuit tombe, je m'enfile au premier étage dans un restaurant traditionnel Fasil restaurant. Des serveurs classe m’accueillent dans une grande salle ancienne aux lustres à bougies. Erdal « nice to meet you » est mon serveur. Et soudain la musique ouvre les portes de l’orient, du rêve avec la chanteuse à la voix traînante et les violons qui font monter leurs plaintes. En rentrant à mon caravansérail, je ne tarde pas à tomber après cette journée éprouvante dans les bras de Shéhérazade.

Mardi 6 juillet, tôt le matin, qui crie comme ça ? Abdullah, Abdullah, le marchand de glaces ou plutôt le marchand de croissant à la turque au sésame en face. Ces appels se mêlent au ronflement des moteurs et des bruits incessants de la rue. Bye bye mon caravansérail qui n'offre pas de petit déjeuner comme prévu la veille. Toujours se battre sur cette terre. Je cherche les remparts en vain. Je trouve une Camii près d'une fontaine sans eau. Des chèvres à poils longs, des carrioles à chevaux, des poules dans ce quartier pauvre dans des rues pavées défoncées où je trouve enfin les remparts au-dessus de la ville. Massif, il me rappelle les forts militaires de Vauban. Le drapeau rouge turc flotte sur le donjon. Une photo en repartant : la mère et sa petite-fille conduisant des canards. Beaucoup de troupeaux de moutons Ah les belles cornes enroulées en rentrant dans Kars, comme s'ils allaient faire leurs courses en ville pendant que j'en sors. Le mariage en pleine route. Un orchestre qui joue, la troupe qui danse, surprise de la route, toujours l'inattendu au détour d'un virage. De vastes prairies ondulent à l'infini, beaucoup de fleurs des champs : bleus, roses, violets, jaunes égaient le vert uniforme. Les chevaux tournent autour de leur piquet. Dure vie qu'est la leur. Apçanlay, une pause avant la Géorgie. Le vent de face en montée ne m’aide pas. Je me retrouve dans des pelouses à perte de vue. Pas grand monde dans ce coin sauvage à part un berger et son troupeau et un paysan dans sa carriole tirée par un cheval, portable à l'oreille qui me fait des hello en passant. Quelques névés sur la gauche. Les fleurs et les oiseaux m'accompagnent jusqu'au village de Tasbasi et puis le lac aux eaux vertes surprend au milieu des collines verdoyantes. Gros troupeau de vaches mais pas de berger pour me siffler. Pas de grosse montée pour arriver au

Tasliyarma Geçidi à 2017 m tout de même. Le lac et ses belles fleurs bleu. Une île où des milliers d'oiseaux se rassemblent au village de Dogruyol, dans une épicerie comme une cabane sombre avec un simple plancher où les hommes ne se parlent pas à part la télé qui trône au milieu des étagères de paquets de gâteaux. Une atmosphère un peu irréelle dans ce market du bout du monde. Des vaches viennent boire dans le lac. Une vallée balik lokantasi bien agréable sûrement sur ses rives. À force de méandres le long du lac, me voilà arrivé à Cilder, le marché aux fruits où je prends quelques abricots. Une statue de violoniste me salue avant je l'espère la dernière montée à la fraîche car ça commence à se faire tard. Grand virage avant le col et une descente savoureuse et savourée vers Aktas. C'était avant le drame, pourrais-je dire. Au poste-frontière atteint au bout d'un chemin défoncé de fin du monde, des militaires me font signe de m’arrêter. Je n'irai pas plus loin. La frontière est fermée et ne s'ouvrira pas pour moi. C'est fini. Mon rêve s'est brisé, autour de ce lac magnifique. Mon vélo saute-frontière m’a abandonné. Le constat est dur mais je dois m'y résigner. Retour vers Kemar. Un camion de lait me récupère avec mon destrier à côté des cuves. On fait donc la tournée du lait dans ces villages du bout du monde aux maisons en torchis.

Des hommes au visage buriné et souvent barbu nous attendent comme le messie avec leurs seaux plein de ce lait qui est leur seul richesse. Je me pense, si on fait tous les villages perdus, on va y passer toute la nuit. Presque, on revient en peine nuit avec les phares qui éclairent mal cette route défoncée. Cilder à nouveau où me dépose mon laitier sauveur. Polis puis finalement c'est l'école où un homme large visage avenant, un professeur, sans doute, me tend sa main chaude que je tiens longuement. Réunion autour de la télé, coupe du monde oblige. Dans la salle, on sort la carte comme si on voulait faire un plan d'attaque à cette folie des hommes. Enfin, un lit, enfin je peux me reposer après cette rude bataille perdue.


Le saute-frontières réussi

En Géorgie

 

 

 

Zone de Texte: CILDERZone de Texte: AHALCIHE

 

CILDER – AHALCIHE 120 km

 

 

CILDER (TURQUIE) – AHALCIHE (GEORGIE) 120 km

Ca traverse jusqu’à l’embranchement de Turkgozu. Ca remonte peu à peu mais franchement après Hanak et puis quelques kilomètres après Damal, c’est la longue et dure montée vers l’Ilgardagi Geçidi à 2540 m. Descente sur Posof puis traversée vallonée jusqu’à Turkgozu et la Géorgie pour arriver à Ahalcihe.

 


Mercredi 7 juillet, je devais me reposer en Géorgie, me voilà reparti pour un second plan de bataille par le deuxième point de passage frontière soi-disant ouvert. Cette nuit, ça a gambergé dans ma tête et j'ai décidé de le réaliser en vélo. Lever tôt donc, petit déjeuner à Cilder, croissant et chaï me font le plus grand bien. Je n'ai mangé qu’un sandwich offert à l'école après cette journée mouvementée. Adieu Monsieur le professeur en sortant de la lokantasi. Un ancien professeur de français reconverti dans la quincaillerie m'accueille dans son magasin. Content de parler avec lui et lui aussi. Je resterais bien des heures à l'écouter mais la route m’attend. Je commence par traverser des prairies avec beaucoup de fleurs. Ça sent bon. Une nuée de corbeaux vole dans les nuages. Un homme avec une faux. Va-t-il faucher ma route ? Croisement, il faut prendre à droite juste après une rivière vers Tùrkgozu. Je gère mon effort, il faut alimenter le moteur de sucre pour ne pas tomber en panne d'essence. Une rencontre sympathique avec un couple d'Ankarois qui me prend en photo, la dame tout en décolleté surprend pour une turque ! La montée ensuite est sévère et s'enfonce dans une forêt de pins au-dessus d’Hanak et se termine par une montée au ciel. Enfin, la descente vers Damal qui fait du bien et où je m'écroule dans une lokantasi exténué et affamé. Le vieux monsieur, moustache et casquette, en face de moi, lape sa soupe aux pois chiche. Ca gronde en sortant et le ciel devient noir. « Faut pas y aller », me font comprendre les gens intéressés par un cycliste un peu fou. Je me lance quand même, il a plu sur la route qui remonte

un torrent dans un paysage alpin. L’Ilgar hôtel est un luxueux quatre étoiles au pied de la montée qui l’est aussi car on la voit au loin se perdre en lacets jusque très haut. Il faut tenir, je me dis dans ma tête, attendre que l'orage comme la pente s'atténue. Aller chercher le village dont les maisons brillent tout là-haut accrochées aux plus hautes pentes. Ça s'assombrit, le vent fort me déstabilise, ça devient dantesque avec les camions que je croise et les nuages accrochés. Enfin, c'est le col juste sous les nuages. L’Ilgardagi Geçidi à 2540 m. Le ciel pas trop méchant retire ses nuages et découvre les montagnes aux vertes pelouses. Une fontaine peu après. Un premier géorgien me prend en photo. Les camions iraniens sont arrêtés. Il en monte aussi quand je descends vers Posof. Avec cette route chaotique, je ne peux lâcher les brides de mon cheval. Posof, je l'aperçois dans sa vallée encaissée, des montagnes partout et ça remonte dur au pied du village. Un petit frisson me parcourt : si jamais il y avait un autre col, je ne sais pas si j'aurais les jambes. Heureusement, la route contourne la montagne par des vallonnements en s'éloignant de cette vallée encaissée jusqu'à Eminbey puis au loin la grande portique de la frontière.

C’est Tùrkgozu que j'atteins après tant d'efforts, après que ce nom m’ait été répété tant de fois. Ça rigole pas trop quand je tends mon passeport au douanier qui fait sa tête de Turc ! Après bien trois quarts d'heure de pourparlers, premier passage réussi. Je me retrouve dans le no man's land entre la Turquie et la Géorgie mais on ne peut s'y perdre car le chien du douanier géorgien ne rigole pas non plus. Il accompagne les clients et gare à celui qui ne voudrait pas le suivre jusqu'à la douane géorgienne ! Ouf ! J'ai réussi le deuxième examen de passage. « Route en chemin pierreux pendant 5 km » m'indique un allemand marié à une géorgienne habitant à Izmir. Les chiens géorgien et tchétchène, ça ne s'invente pas, ne me lâchent pas, dressés sûrement à faire peur aux clients. Enfin, le bitume qui soulage mes pneus. Une grande croix au soleil couchant annonce la religion chrétienne du pays. Des troupeaux de vaches se promènent sans se presser sur la route. Le premier village Vale écrit un géorgien, pas facile. Ils ont du faire les lettres avec des vermicelles ! Grandes bâtisses délabrées. Des passant m’expliquent en me montrant la façade aux fenêtres brisées que ce sont les Russes qui les ont bombardés il y a deux ans ! Ça redescend ensuite dans des gorges où se faufile une belle rivière. À l'entrée d'Ahalcihe, des chiens menaçants me font arrêter et un hôtel AKHALTSIKHE juste là me tend les bras. Bon repas mais relevé : viande en bouillon et salade de tomates, concombres. Je m'écroule vite dans le lit après ce saute frontières réussi. Mon vélo a su passer outre la frontière des hommes.


De Georgistan en Armenistan

Je l’ai rêvé

Yerevan !

Zone de Texte: GYOWMRIZone de Texte: YEREVANZone de Texte: AHALCIHEZone de Texte: AHALKALAKI

 

AHALCIHE – YEREVAN 295 km

AHALCIHE AHALKALAKI 75 km

Remontée de la rivière jusqu’à Aspindza Des tronçons de piste sur une bonne route. puis remontée encore d’un torrent jusqu’à Ahalkalaki

AHALKALAKI -  GYOWMRI 95 km

Lignes droites et assez plat jusqu’à Ninocminda. Travaux dans la ville. Bonne route ensuite puis 20 km de travaux  galère pour mes pneus fatigués jusqu’à la frontière Géorgeo-Arménienne

Bonne route assez plat puis première bosse puis remontée en pente régulière avant la descente finale sur Gyowmri

GYOWMRI – YEREVAN 125 km

Lignes droites et route pénible avec des trous en sortant de Gyowmri. Montées successives avant de redescendre par palier jusque dans la fournaise d’Yerevan.


Jeudi 8 juillet, au calme dans mon premier hôtel géorgien, nous sommes réveillés par les chansons françaises sur ma petite radio. Couvert puis beau par la fenêtre donnant côté cour sur des garages et un entrepôt plutôt délabré. Ici, je ne sens pas un accueil chaleureux comme en Turquie. Un aigle royal dans la salle du petit déjeuner semble fondre sur le touriste pendant que j'attends qu'on me serve.

Tamara Tsaritsa, c'est la statue d’une tsarine trônant au milieu du village natal de Charles Aznavour, m'affirme un géorgien qui me prend en photo. Grand marché couvert au bout d'une rue en escalier mal finie : fruits et légumes sur les étalages. Belles fleurs à l'entrée. Ça sent les épices. C'est la route d’Aspindza que je prends, confirmé par mon Allemand qui me klaxonne en arrivant à mes côtés. Ça redescend et hop on rejoint la rivière boueuse qu'on remonte dans des gorges. La route pas trop fréquentée est lisse et agréable mais tout d'un coup devient un chemin caillouteux heureusement pas trop long. Les vaches toutes seules sur la route sont indifférentes au klaxon. Le village d’Aspindza au bord de la rivière à l’ombre pour une pause. Un jeune homme bonnet vert m’indique une fontaine coulant dans la rivière, sans parler, juste par gestes. La barrière de la langue semble plus forte ici. Il n'y a rien chez Valentine à part de belles miches. Quelques barres énergétiques, du fromage, c'est plutôt la disette dans ce magasin comme un cabanon tenu par la jeune femme. En repartant heureusement aujourd'hui, le relief s'adoucit, ça fait du bien à mes jambes après les efforts d'hier. L'hospitalité géorgienne. Des enfants vendent leurs fruits : cerises, mûres de mûriers au bord de la route. Et là, je leur prend quelques fruits et de fil en aiguille, je me fais invité par le père et sa famille russe au fond du jardin.

Georges le fils est le traducteur. Le monsieur insiste pour que je goûte leur plat de légumes et boive avant le verre de vodka ! dans une très jolie bouteille. Un grand moment avec eux plein d'émotions qui m'encouragent dans un pays inconnu que je découvre. Dur de quitter cette datcha de rêve pour partir sur la route remontant toujours la rivière jusqu'à Hertvia. Très beau château dominant la rivière. En direction d’Ahalkalaki, la rivière, en gorge, devient de plus en plus torrent bouillonnant. Sous les arbres avant le village, la rivière passe sous leurs arches. Remontée vers le centre, rue principale bien entretenue mais les ruelles adjacentes sont carrément des chemins défoncés. Je trouve un premier hôtel à l'ancienne, un chien en peluche me regarde de ses yeux perçants et me fait peur. Le patron ne s'occupe pas de moi et me laisse tomber en claquant la porte, tant pis. Un autre, grand luxe, qu’on m'indique est trop cher pour mes pauvres bourses. C'est finalement conduit par la police au bout d'un chemin chaotique de fin du monde que je trouve refuge, l'Otel Anank. Des chercheurs français dans l'environnement avec qui je parle volontiers de mes aventures font l'interprète. Elle parle arménien et un peu russe. L'hôtelier est sympa et l'hôtelière me sert un café de bienvenue sur la terrasse en véranda où on peut lire dans le marc de café !

Vendredi 9 juillet, « toc toc », j’entend l'hôtelier toquer à ma porte quand je dormais profondément « J – 1 », semble-t-il me crier J - 1 pour Yerevan. Le chauffeur du groupe de chercheurs dans son bus 44 brousse russe me fait un signe d’au revoir comme si on devait se revoir bientôt. Discret mais très sympa, cet Arménien, on échangeait nos plats hier au restaurant. « Spassiba », je lance à l'hôtelière qui parle russe, en repartant sur le chemin plein de trous. Une main géante tenant une feuille à la sortie de ce chemin où je retrouve une route civilisée. Du plat, des lignes droites dans des prairies, une allée d’ormes m’accompagne. Une nuée d'oiseaux se regroupe sur un troupeau de vaches. « Pneu fatigué. Problème ? » me demande un gros bonhomme, lunettes noires, sorti de son pick-up, style mafia russe ou géorgienne. Il m'accompagne jusqu'à une carrière d'extraction de gravier jusqu'à un marocain descendant de son engin qui parle français. Je lui explique que tout va bien, que mon peu tiendra à ce grand sportif, champion du Maroc du 1500 m car je veux me débarrasser de ce type louche. Je repars donc. « Il faut se méfier de ceux qui te proposent de l'aide », m'avait averti l'allemand. En pensant à ça, je m'enfuis presque sur la route et apprécie de me reposer à l'ombre fraîche des pins. Pourvu que mon pneu tienne, Inch Allah. Des ruches alignées, que font telles en bord de route ? Des faneurs à la fourche dans les prés avant le village de Ninocminda où la rue est en travaux. Heureusement à la sortie, l’asphalte revient mais de courte durée. Les travaux que les Français m'avaient annoncés commencent ici. La galère pour mon vélo et mon pneu fatigué. Si ce n'était ça, des cigognes en haut d'un pylône, un petit lac qu’on longe, l’endroit serait idyllique. Une vingtaine de kilomètres comme ça, ça use les sabots ! Enfin, après le village de Zdanov,

le poste-frontière Georgeo-Arménien. Pas de problème pour la Géorgie. « Welcome to Arménia », j’entend le douanier arménien. Ca y est. Un saute frontière de haute volée vient de réussir en quelques minutes. A Bavra, juste après, arrêt market pain, tomates où on me pose plein de questions et s’étonne de mes pneus si fins. De belles petites chapelles, de toutes simples échoppes dans les villages, les prairies s'étendent dans une large vallée entre des collines. Un peu de plat me fait du bien mais c'est un peu monotone. « Emmenez-moi au pays des merveilles », je chante pour m'encourager. Un petit col où je me lance excité par un chien qui me course, un de plus. En haut, une pause dans les herbes qui s'agitent sous le vent maintenant favorable. Des travaux de loin en loin. Une descente, la dernière sur Gyowmri ? Non car la route s’enroule de nouveau ses lacets dans une montée régulière. Là, j'ai l'impression d'avoir un moteur, de monter souplement comme porté par la grâce, léger, aérien. Presque envie de pleurer tellement ça me semble facile. Quelle descente ensuite, un hameau et la ligne droite m'emporte vers Gyowmri. Mais où est le centre ? Sans doute chamboulé par le tremblement de terre qui a ébranlé la région il y a quelques années. Minas et Tavis, mes deux guides de passage me trouvent un hôtel mais il faut marcher longtemps dans de grandes avenues : un jardin, beaucoup de statues, un écrivain, un poète, un cinéaste. Mes deux acolytes voudraient partagés la chambre, je sens l’arnaque. Je les perds en trouvant un autre hôtel au fond d’une impasse. Vite le Shara restaurant pas loin où je trouve des serveuses charmantes parlant français. Un grand pommier et de la vigne à l'intérieur de la salle au décor rustique. Soupe solyanka et boeuf Strogonoff accompagnent les vieilles chansons françaises et du monde d’Aznavour, Léonard Cohen, Julio Iglesias … La bière Gyowmri coule et m'emporte au pays du rêve. Nostalgie...

Samedi 10 juillet, jour J ! jour Yerevan. C’est aujourd'hui le grand jour. Retour au Shara restaurant pour un petit déjeuner royal ouvert uniquement pour moi aux côtés de Dassin et d’Aznavour pour fêter ce jour J comme Erevan !

C'est George, Jura qui me fait visiter : la statue d’Orane Chiraz, un écrivain, Michel Magacian, un artiste cinéaste,

 

Avedi Isaagian, poète.

C'est la tournée des statues, j'apprendrai que j'ai loupé celle d' Aznavour, avant de sortir de Gyowmri. La route est facile à repérer pour Yerevan bien indiqué. Je fais la course avec un minibus, faut dire d’un age. La route rapiécée fait des mini tranchées en travers de la chaussée. Mon cheval y tressaute comme un train sur ses rails pour Yerevan. Retour à la steppe. Blé et pommes de terre occupent la plaine agricole s'étalant entre les montagnes pelées. Fini les arbres et leurs ombres généreuses. Le jour où je suis tombé à cause d'un maillot jaune. Un VTTiste en jaune me double sans dire un mot en m’ignorant. Je le course, double un cheval et le rattrape juste avant qu'il ne s'arrête. Il me double à nouveau sur le plat, je le rattrape dans une montée, le double mais mon triple n'accroche pas, je perds l'équilibre, je tombe, je me relève vite quand il me rejoint et le distance à nouveau. Au sommet de la côte, je l'attends encore. Foin, ballots, les ramasseurs sur la remorque ont du boulot. Il fait chaud. Les moutons se réunissent autour de midi. Une descente.

Qu'il fait bon sous les parasols pour contempler le patchwork comme un tapis se déroulant sur une vaste plaine, plus bas. Un arrêt chez le pompiste où je ferais bien la sieste. Ah la bonne eau fraîche. De petites descentes en vallonnements dans la plaine aride me ramènent dans la chaleur, l'air brûlant. Et soudain l’Ararat dans la brume comme un nuage plume blanche surréel par cette chaleur. Quelques prés verts contrastent avec la steppe brûlée par le soleil. Derniers kilomètres interminables dans cet atmosphère surchauffée. Une petite montée casse-pattes. Enfin, les premiers immeubles au loin et la descente finale. « Hôtel Mariott, place de la République », je n'arrête pas de demander sur ces boulevards très fréquentés. Tout droit, à droite puis à gauche. « Plus que 2 km », m’indique un monsieur. Au bout d'une descente, je tourne à droite, longue rue animée, Golden Tulip sur la gauche et au bout sur la grande place, la façade rose de l'hôtel Mariott,

le musée,

le palais du gouvernement, le square de la République. Dans ce havre de fraîcheur sous les platanes, je m'écroule devant une bière Aleksandrapol qui coule comme une source inépuisable de bonheur, après tant d'aventures, après tant de souffrances, après tant de rencontres, après tant de « Where are you from ? » « How old are you ? » « Wat’s your name ? » Tant de moments partagés, tant de souvenirs autour d'un chaï, tant de Hello, tant de klaxons, tant de mains tendues, tant de visages que je n'oublierai jamais.


Circuits autour d’Yerevan

Garni

    Gueghard

 

 

 

 

 

*              

 Khor Virap

En taxi oui je l’avoue: Les monsatères de Garni et Gueghard en haut à droite

En vélo : le monastère de Khor Virap, très chaud, l’Arart dans les nuages et retour sous la tempête


Dimanche 11 juillet, dans la famille d'accueil,

 

Jean-Marie, le collègue d'Orange Arménie et Clara sa femme mexicaine d'origine espagnole comme elle m’explique et leur deux enfants Éric et Mathilde dans leur belle villa au fond d'une concession privée. Très bon accueil depuis hier soir devant Mariott hôtel où Jean-Marie m'a récupéré plutôt ramassé tellement j'étais en piteux état ! un peu dur aux premièr contact mais après un sourire, ses deux fossettes effacent tout adoucissant même son accent rocailleux du Sud-Ouest. Visite de la concession : golf, piscine, lac. Les usines soviétiques désaffectées font contraste avec ce standing haut de gamme. Une fresque des travailleurs où on prend la photo témoigne de cette histoire. « C'est un pays en liquidation », répète Jean-Marie qui m’explique que tout a été vendu après le départ des Russes.

Un taxi pour Garni. Difficile de communiquer avec Samaval, le chauffeur qui ne parle pas un mot d'anglais. On traverse tout Yerevan par de grandes avenues en passant devant les anciennes usines désaffectées, d'anciens immeubles soviétiques aux pierres roses sans balcon, en piteux état. On s'élève et sort de l'agglomération par une steppe brûlée devant l’Ararat toujours dans ses brumes de chaleur. Le taxi fait un signe de croix en passant devant une statue religieuse ?. On se signe souvent ici. Les vendeurs de fruits sur le bord. Ds enfants avec des bouteilles d'eau tentent de nous asperger. Le taxi dit non mais c’est quelquefois sans effet. Veulent-ils nous jeter de l'eau pour nous rafraîchir ? C'est ce que j'aurais aimé qu’on me fasse pendant trois semaines et là il refuse ! On s'arrête devant le temple de Garni. Une messe à l'intérieur. Un prêtre en bel habit blanc officie. Beaucoup de signes de croix pendant la prière et les chants. Belle coupole à l'entrée de ce temple à pierre rose et grise de basalte. On s'élève encore dans un paysage plus vert, une forêt et une gorge à chaos rocheux basaltique ouvre sur le site de Gueghard. Marchands de fruits, colliers d'abricots, abricots avec des noix et du caramel, Lavachs parfumées. Tambour et petite trompette, un homme à couronne de fleurs les fabricant sous un noyer comme une offre de bienvenue.

Le monastère rupestre de Gueghard à l'architecture médiévale massive. Très belle coupole à quatre arches et quatre colonnes d'où jaillit la lumière du jour. Une messe dans la chaleur dans le choeur empli d'encens comme une secte secrète avec le prêtre assisté d'un homme à capuche noire. Des chapelles latérales avec une coupole d'où perce toujours la lumière du jour. Dans une salle grotte, une source d'eau fraîche coule dans un bassin. De l'eau bénite ? Des inscriptions, des croix sont sculptées sur les murs. Beaucoup de khatchkars (croix en pierre) très finement sculptées sur les falaises où les cellules des moines furent creusées. Des familles pique-niquent, barbecues au bord du torrent où les enfants se baignent. En repartant : pastèques, tas de bois, moutons dans un enclos, avant de tomber sur les grandes tours grises sans balcon au linge pendu, on retrouve les bus jaunes en descendant doucement dans l’air brûlant d'Yerevan. Et toujours ces lanceurs d’eaux qui nous traquent à notre passage. C'est une ancienne fête païenne qui s'est perpétuée avec le christianisme. Pour se rafraîchir la mémoire y a pas mieux ! Repas international chez Maral, une arménienne mariée à un arménien de la diaspora canadien avec Clara, la pétulante mexicaine et Jean-Marie français d'origine espagnole catalane. Ça parle français, anglais, même arménien avec Mathilde qui nous chante quelques comptines et Éric qui a appris quelques mots de Russes. Orange Passion Arménie. Jean-Marie est intarissable sur son projet, son bébé, ses antennes, ses innovations, ses panneaux solaires... Quelle fougue, quelle passion !

Lundi 12 juillet, visite d’Yerevan, enfin ? La ville que j'ai tant attendue, qui m'a tant fait souffrir pour y arriver, cette ville symbole dont j’ai tant rêvé depuis mon départ d'Istanbul. Encore l'international, un pilote de ligne Thierry, Garni, un géorgien d'Orange Arménie. Enfin, après le repas, la ville où me dépose Jean-Marie, la grande place du Mariott, le palais du gouvernement, le musée et ses grandes affiches. Une grande avenue piétonne pas très typique, grandes marques, la Bohème, café plutôt chicos, marchand de souvenirs. Enfin, je déambule dans cette ville où j'ai atterri après cette si longue épopée, Lu3lkavl, un restau de luxe ébahi devant ces lettres étranges. Une barquette de frites qui se promène au bout de la rue. Royostrakh Armenia, j'essaie de déchiffrer comme un Champollion débarqué en Arménie. Le café rich à côté d'un plan d'eau où un pianiste joue sur un piano à queue. Sur la colline d'en face,

le monument soviétique du travailleur arborant fièrement son glaive. Deux statues d'écrivain, le peintre Sarayan, des cafés sous les ombrages entourent l'austère opéra à coupole grise. « Des fruits rouges », m’indique-t-on pour des souvenirs dans Tumanyan Street. Les magasins en contrebas de la rue North Avenue par des escaliers : restaurants, vêtements, tapis, bars louches ? J’atterris à l'Orange, une cafétéria lounge bar où je ne résiste pas à écrire le nom orange  OGUUs en arménien et à déguster un jus d'orange frais. Enfin, Cinéma Moscou, ancien bâtiment soviétique à colonnes. Devant, deux statues en fer forgé, un taureau et un insecte comme une araignée. En face, le théâtre Kacca attend ses spectateurs. La fontaine coule et les canards s’en régalent. C'est le couchant sur la terrasse du Diamond Cafe avec Thierry, le pilote qui aime bien survoler, la place de la République s'illumine, les nuages font comme des Cyclades, le vent fait flotter le store rayé, un avion qui clignote dans le ciel qui s'assombrit, les groupes qui mangent et discutent comme partis sur une croisière dans la nuit qui s'avance.

Mardi 13 juillet, la représentation. À Orange Arménie, il faut se présenter, répondre à des interviews de la communication interne et externe. Ça dure même si j'adore parler de ce voyage, de tous ces souvenirs, j'ai envie de profiter du pays, de le découvrir plus en profondeur que dans les bureaux d'Orange Arménie. Il fait chaud quand je sors vers l’Armenian Bazar où les bouchers vendent leurs viandes dans des devantures à même la rue. Légumes, fruits, pastèques autour du grand bâtiment. À l'intérieur, un grand marché couvert avec des fruits bien disposés : abricots, tomates, cerises forment de belles pyramides. Au premier étage, chaussures, vêtements en occupent la majeure partie. C'est pas le tout mais mon cheval a besoin de liberté, il sent des fourmis dans ses sabots. On sort donc d’Yerevan assez vite avec du plat et beaucoup de circulation. Des vendeurs de tomates, courgettes au bord de la route. Quelquefois, un simple plat de tomates tout seul comme une offrande. Une plaine maraîchère s’étend avec des cultures de légumes et des vergers d'abricotiers. A Artashat, arrêt dans un parc ombragé de vert et de rouge, sous les arbres et les parasols Coca-Cola. Vardan et David, mes deux compagnons sur leur vélo à une seule vitesse m'accompagnent sur le chemin de Khor Virap. La route se glisse entre les vignes et puis tout d'un coup

 

«

 Khor Virap, Khor Virap » je lance à mes compagnons en apercevant le monastère massif perché sur sa colline face au petit et au grand Ararat qu’on voit à peine dissimulé dans les nuages. Il n'a pas retiré son chapeau comme pour le tsar ! Khor Virap, Grégoire, l'illuminateur, y fut emprisonné pendant 13 ans. Belle église centrale à tuf rose avec une porte en bois sculpté. Dans une chapelle attenante à abside semi-circulaire, se trouve le puits de Grégoire dans lequel on descend par une échelle verticale, 6 m plus bas comme dans une tombe. Petit rappel historique sur les panneaux : en 301, la religion chrétienne a été déclarée religion officielle en Arménie et pour la première fois dans le monde Cette nouvelle religion a supplanté alors le zoroastrisme et le paganisme local. C'est grâce à Tiridate qui fut guéri quand il libéra Grégoire et décida aussitôt de se convertir au christianisme. On y apprend aussi que le général Varda lutta contre les perses sassanides pour conserver le christianisme au cours de la guerre des Vardinants qu’il remporta. Merci donc à David et Varda mes deux compagnons d’échappée. Merci mon général de m'avoir conduit jusqu'à Khor Virap. Dormir sous la tonnelle en paille de maïs, c'est bien agréable mais il faut partir dans la chaleur. Un dernier regard vers Khor Virap entouré de vignes, vers l’Ararat qui ne me regarde pas ! Ligne droite, c’est plat, je roule bien puis le vent se lève et devient fort. Une tempête de sable par moment, quelques gouttes de pluie, ça devient noir vers le nord-est. J'avance péniblement face au vent violent, j'ai la gorge sèche par cet air brûlant. C'est comme une deuxième arrivée dans Yerevan, ses faubourgs, ses grandes avenues, un chien que j'évite. Tout ralentit mon allure. Exténué, j'entre enfin dans les rues du centre. Et puis la grande place d'Yerevan, le marchand de souvenirs qui m’indique où il y a de l'eau, et puis il y a

 

les jets d'eau qui jaillissent dans le ciel rose, orange, vert, bleu, des flammes, des herbes sous le vent sous la musique, les mélodies d'Aznavour : que c'est triste Venise, formi formi formidable, la bohème, ça voulait dire qu'on avait 20 ans, What’s a wonderful world !, What’s a wonderful life, Zorba le grec …

Le retour fut dantesque dans les rues mal éclairées d'Yerevan. Dans le centre, une voiture me fonce dessus crissant des pneus en tournant mais m’évite au dernier moment. La nuit, le vent, la montée vers Varachni, les bourrasques, les éclairs, les chiens qui me coursent. Ça devient dantesque. Enfin, sous l'orage qui commence, j'entre dans Varachni et arrive à bon port dans la famille. « Il faut te laver », me dit Clara comme une mère. Après cette tempête mémorable, l'orage dans la nuit me plonge dans un sommeil profond comme le puits de Grégoire.

Mercredi 14 juillet, moins chaud ce matin, les nuages et un vent plus frais au pied de la maison de Clara en partance pour la ville mais l’Ararat a toujours sa mine nuageuse. Un taxi démocratique. Il me conduit à la place de la République et me parle en arménien mais quelques mots compréhensibles surgissent : politique et démocratique qui me laisse penser son attachement au socialisme et à la démocratie pour son pays. Le tournage d'un film. Grosse caméra sur un homme assis en noir, lunettes rondes et un petit bonnet noirs, il sort de son gilet une photo et la jette par terre au milieu d'autres représentant des groupes d'enfants, scène du génocide ? En allant au bazar, c’est agréable de se promener dans ce petit marché couvert dans une ruelle pleine de flaques : vêtements, chaussures, vêtements d'enfants, plutôt pour les locaux. En ressortant, je trouve un parc un peu brousse mais sous des platanes et des parasols rouges Coca assis sur un fauteuil rouge c’est agréable de se reposer au bord d'un étang et écouter les petits gazouillis des jets d’eau. J'y déguste un tan, un lait fermenté qui rafraîchit bien. En repartant,

l'église 1700 à coupole à quatre arches est imposante et domine le bazar et ses marchands du temple, à l’intérieur, ses boxes de joailliers, bijoutiers. Je retrouve Thierry au restaurant chez Michel tenu par un arménien de Malatya qui nous fait goûter sa Lahmaçun, sorte de pizza arménienne, l’Iskander, kebab avec pain et yaourt. Dans le bazar, toujours les colliers d'abricots comme des saucisses qui pendent et les soujoures, sorte de lavach (crêpe) aux fruits de toutes les couleurs. Je retrouve Lilith d'Orange Arménie de la communication externe et Nané, jeune journaliste à Radio Liberté. C'est mon premier interview comme un ministre mais attention prévient Lilith « pas de politique ! » Charmante Nané, frêle comme une fleur fragile aux yeux noirs à qui je raconte tous mes déboires mais toutes les rencontres, Van Gölü, l’Ararat, les montagnes anatoliennes, la Cappadoce sans parler du PKK !

Dîner chez l'ambassadeur. Dans le parc de l'ambassade de France avec Thierry, on se fait des connaissances. Le Français un peu fou, l'hurluberlu comme dit Clara qui a traversé la Turquie en vélo et Thierry qui a l’air d'adorer le people finit par rencontrer l'ambassadeur après avoir flashé sur la plantureuse blonde ambassadrice. Avec Jean, le chiffreur, marié à une équatorienne, ils vont au concert aux cascades. Trop crevé, je me rentre après cette journée de ministre du vélo.

Jeudi 15 juillet, Bye bye l’Ararat Bye bye Yerevan, bonjour Yerevan. À l'aéroport, impossible de prendre mon vélo s'il n'est pas emballé, je m'en reviens donc en vélo de l'aéroport le long de la route des casinos : Oracul, Palace, Corrida aux couleurs flamboyantes alors que le ciel se fait noir puis des marchands de meubles, des lits à même la rue. C’est sous un déluge que je rentre dans la ville. À Air France, un peu détrempé, rue Alex Manukyan, je reprend un billet pour demain Inch Allah. Le ciel lavé de frais est redevenu bleu après le repas à la cantine d'Orange Arménie avec Mocher, toujours le sourire, qui m’aide à emballer mon cheval. Je m'endors sur le bureau d'Orange même à France Télécom je n'aurais jamais osé ! Enfin, ils sont arrivés avec leurs cartons : roues, cadres sont emballés et scotchés tels des Christos efficaces et rapides. En deux temps, trois mouvements, mon cheval et ses deux pattes disparaissent sous trois couches de carton. Je sens couler mes dernières heures à Yerevan. Sur la terrasse de la pizza di Roma touchant

à la République, la dernière bière Gyowmri sous le mur rose du musée marqué Abovian. Mon marchand de souvenirs, des taxis Lada, les minibus, les klaxons brefs mais stridents, des 4x4 noirs rutilants se déversent sur la république comme un fleuve éternel.

Dernier séjour à la République au restaurant café Senior pour une bière Kotayk. Un peu en escale aujourd'hui entre deux départs. Le ciel hésite aussi entre le noir et le clair. La serveuse très brune courte sur cuisse mais ronde en fesse déploie son large sourire. Le near east Museum, musée d'art et littérature est fermé. Au Moscou cinéma, le festival international du film Golden Apricot : un 2 sur une tartine, des yeux, des ailes dans le dos, un 5, une femme funambule avec des couleurs à la Miro ornent son fronton. Pour moi, film est presque terminé. Une caméra, un projecteur à l'entrée, je monte à l'étage et je rentre dans un grand amphithéâtre bleu. Miracle de la vie, le spectacle continue. Street days, film noir et blanc plutôt noir. Ça se passe dans les rues, des petits trafiquants se disputent le territoire. Le ciel devient noir lui aussi, il pleut sur l'Ararat.

Vendredi 16 juillet, au revoir ma famille d'accueil, Jean-Marie qui s'est levé tôt pour me dire un dernier au revoir. Ma famille pendant cinq jours avec Clara, pétulante et volcanique mais charmante. Quelle galère !  A l'aéroport, mon vélo mal emballé, il le refuse une seconde fois ! Avec le chauffeur, on lui met quelques cartons comme un pansement sur la couronne qui dépasse et le voilà accepté, embarqué. Pas fini, il refuse un ciseau et des outils et ne me proposent pas de carton pour les emballer ils sont aussi bornés que des bureaucrates staliniens face à une demande non prévue par le polit buro. Obligé de quémander du scotch à la boutique d'en face. Aucun effort. Enfin, mon petit carton part comme une bouteille à la mer. Enfin, dans la salle d'embarquement, et là

l’Ararat se lève de ses nuages juste avant de rentrer dans l'avion comme un dernier salut. Le petit et son grand frère par le hublot en droite ligne de l'aile. Au-dessus des nuages, la lumière aveuglante sur une mer de sel blanche sous un bleu éthéré. Des lacs dans du vert, peut-être déjà la Géorgie ? une chaîne de montagnes enneigées à l'horizon avec un sommet à deux têtes qui se détachent comme des jumeaux blancs. Un grand lac, le Van Gölü ? Ou sans doute la mer Noire. Les nuages comme des icebergs, grosse perruque blanche que l'on traverse. J’ai trois places pour moi, je me crois en classe affaire ! On quitte la mer par une grande anse bleue puis on la retrouve par une plage en longue ligne claire où je m’étend dans un sommeil sans nuage... Et puis le patchwork de verts, de bruns qui se tisse à l'infini. Le parcours du combattant à Roissy, enregistrement à nouveau et un problème : vous avez six bagages ! Finalement, c’est OK, ouf ! Du monde dans le grand hall terminal 2F comme un nouveau voyage. Vol complet. Il faut prendre le vol suivant, ça continue. Mais chez Maxim’s, c’est royal car payé pour la première fois par Air France. Le spectacle continue avec ce spectacle permanent, ces acteurs voyageurs sous la verrière avec les voix aux micros qui mettent en scène un peu tout ça. A Lyon, enfin, en pièces détachées, il est arrivé mais tout est arrivé à bon port ! Incroyable, miraculeux ! Devant la navette bus, comme un retour aux sources, il y a quatre semaines, j'étais un peu plus stressé devant ces portes de non-retour. Et la bise de Jérôme que je retrouve, son sourire qui m'accueille à l'aller comme au retour comme s'il ne m'avait jamais quitté. À Grenoble, comme un étranger qui déballe ses cartons pour la nuit et repart sur son cheval reconstitué après tant de blessures. Dans une rue que je reconnais, Bruno a troqué son blouson de père Noël pour sa chemise d'été, c'est qu'il a du faire chaud ici comme à Yerevan !


Yerevan, les rêves c’est comme le vent, on ne les voit pas mais on les entend soulevant nos cheveux, glissant sur nos visages, frôlant notre épaule

 

 

et nous racontant les souvenirs de toutes ces rencontres inoubliables

et toutes celles que l’on attend là-bas, loin, je ne sais où


 

Mes remerciements pour leur encouragement

à

Renaud mon coach pour mon blog

Renaud mon préparateur de vélo de « Génération vélo »,

M. Mosca, le marchand de vélos de Corato,

Le couturier stambouliote d’ «Elegante retouche »,

Louis, José et l’arménien ravi du Transalpin,

Et bien sûr

A toute l’équipe de la grande secousse

autour de Renaud qui l’a initiée et animée :

Roland,

Wilfried,

Olivier,

Hervé,

Pascal et

toute l’équipe du CCI

qui m’ont préparé au cours de sprints mémorables

à cette énorme secousse !